Homélie du 6 février 2022

Ce qui s’est passé ce jour-là aura changé radicalement la vie de Pierre, Jacques et Jean. L’histoire que raconte ce passage de la pêche miraculeuse n’est rapportée que dans l’évangile de Saint Luc. Ce jour-là, le miracle n’est pas à chercher tant dans la quantité de poissons rapportés que pour l’impact que cette pêche aura dans le cœur des disciples dont on nous dit que, « laissant tout, ils le suivirent ». Pierre, Jacques et Jean se connaissaient bien. Ils travaillaient depuis longtemps ensemble et, avec André le frère de Pierre, ils formaient à l’évidence un équipage soudé, leurs barques naviguant sans cesse bord à bord sur le lac.

Ce qu’ils deviendront ? Nous le savons bien. Ils seront, dans le groupe des douze, les piliers de l’Église naissante, allant jusqu’à donner leur vie pour que s’accomplisse leur vocation missionnaire : « désormais, ce sont des hommes que tu prendras. »

De cette page de l’évangile, que nous faut-il garder pour nous aujourd’hui, nous qui sommes embarqués dans la barque Église ? Je vous propose d’en retenir trois enseignements majeurs.

Le premier, ce sont les deux barques. Dieu nous saisit là où nous sommes et dans ce que nous vivons. La première chose que Jésus demande aux pêcheurs du lac, c’est de mettre leurs barques à sa disposition : « Jésus monta dans une des barques, nous dit-on, celle de Simon, et il lui demanda de s’écarter un peu du rivage ». Le Seigneur continue de passer dans notre vie. Et ce qu’il nous demande n’est pas de faire des choses « en plus » mais de faire « pour lui », « avec lui ». Je pense ici à l’expérience et aux talents de chacun : votre expérience d’éducateurs ou votre simple bon sens, votre talent professionnel ou votre simple savoir-faire, ce que vous avez appris en réussissant ceci ou en échouant dans cela. Il y a tant de choses que, même quand on est jeune, nous pouvons mettre au service des autres.

Le second enseignement, ce sont les filets. Ils représentent les moyens que nous acceptons de mettre au service de l’Évangile. Pierre, Jacques et Jean avaient travaillé une nuit durant sans rien prendre. Malgré la fatigue, ils faisaient ce qu’il faut faire au retour de la pêche : laver et sans doute réparer les filets. C’était des gens ordinaires mais pas des fainéants. Ils se donnaient de la peine, même s’ils n’étaient pas toujours récompensés. Mais, la nouveauté dans laquelle les introduit Jésus, ce n’est pas de persévérer. C’est de jeter les filets « sur ta parole », comme dit Simon-Pierre. Ils vont comprendre que « prendre les moyens », c’est être à l’écoute de Dieu, c’est tendre l’oreille, c’est avoir un cœur en éveil : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. »

Le dernier enseignement de cet évangile, ce sont les poissons. Le dernier enseignement, c’est la fécondité du missionnaire. Celui qui se laisse approcher — on devrait dire accoster — par le Christ et qui accepte de tendre l’oreille vers lui en lui ouvrant son cœur, celui-là verra le miracle ! Pas seulement une certaine fécondité de sa vie chrétienne, mais aussi et peut-être d’abord, la fécondité sur lui-même du travail missionnaire. En effet, le premier à avoir été saisi dans le filet de l’amour du Christ, c’est Pierre lui-même : « Éloigne toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » Pierre réalise qu’il ne s’était pas laissé saisir par l’amour du Christ auparavant, lui et « tous ceux qui étaient avec lui ». Il en est ainsi toujours : le premier évangélisé sera toujours l’évangélisateur lui-même ! Saint Paul dans la seconde lecture, en témoignera : « Moi, je suis le plus petit des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu ». Qui ose dire cela de lui-même ?

Une pêche miraculeuse viendra conclure les évangiles (Jn 21). Jésus renouvellera le miracle pour rappeler le premier aux disciples et leur donner le triple enseignement qui ne cessera de les habiter désormais dans leur mission : 2 barques, des filets, des poissons. Cette parole, c’est aujourd’hui encore qu’elle s’accomplit !

Père Rémy CROCHU

(image extraite du missel pour les enfants)

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