« Je suis le bon Pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »

Dans nos régions, la figure du berger rassemblant ses moutons nous est peu familière, il faut l’avouer. Même dans les espaces ruraux dans lesquels nous vivons. Au temps du Christ, elle l’était bien davantage, la vie nomade étant très répandue. Quand Jésus dit à son auditoire « je suis le bon pasteur », celui-ci comprend bien mieux que nous la valeur de la comparaison.

Un ami berger m’a émerveillé un jour quand il m’a raconté son métier : l’amour du pasteur pour ses brebis, le souci de leur donner chaque jour une prairie où elles pourront satisfaire leur appétit, le travail des chiens et la lutte de jour comme de nuit contre les loups, l’attention aux nouveau-nés, le déchirement quand on doit conduire les moutons à l’abattoir…

Tout cela nous parle évidemment du Christ qui se dépense sans compter, jusqu’à « donner sa vie pour ses brebis ». Cela nous parle aussi de nos pasteurs d’aujourd’hui, c’est-à-dire de tous ceux qui ont la charge d’un troupeau : les évêques ou les prêtres, et même toute personne en responsabilité littéralement « pastorale » d’une communauté, d’une équipe fraternelle, d’un service paroissial. C’est aussi le cas des parents chrétiens qui sont en quelque sorte des bergers, veillant attentivement sur leur famille.

Ah, si nous comprenions ce que « connaître ses brebis » veut dire ! Car, le mot connaître est ambigu. Dans le français courant, celui qui connait est celui qui a appris des choses sur quelqu’un et qui le compte parmi ses « connaissances » : « Ah ! mais je le connais bien ! Il s’appelle untel, il habite à tel endroit et il travaille dans tel secteur d’activité… » Ou encore : « Je le connais, celui-là/celle-là : il est comme ci, elle est comme ça, il vote comme ci, elle s’habille comme ça. » Ce genre de connaissance est assez superficiel. Ce n’est du moins pas celui dont parle l’évangile. Si « le bon berger connait ses brebis chacune par leur nom », cela ne signifie pas qu’il a appris par cœur leur matricule ou leur pédigrée ! c’est d’une connaissance intime et presque amoureuse dont il s’agit. Ainsi, la Bible nous dit « qu’Adam connut Êve et elle devint enceinte ». Par extension, la Bible invite le croyant à « connaître Dieu », c’est-à-dire qu’il nous aime, et à croire en lui en l’aimant.

Dans le premier sens du mot, il s’agit d’un « savoir » que nous aurions à acquérir et à transmettre : « Je vais t’expliquer, moi, qui est Dieu et ce que tu devrais faire pour être un bon chrétien, un bon prêtre ! ». Dans le sens biblique du terme, il s’agit d’une relation qui engage, dans l’amour, jusqu’au don de soi : « Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. »

On ne demande pas à des pasteurs — entendez à des prêtres, des animatrices en pastorale ou des parents chrétiens — d’apprendre par cœur la liste des personnes qui dépendent d’eux et de se rappeler la date de leur anniversaire (je serais bien embêté personnellement !). Mais on attend d’eux qu’ils aiment ceux dont ils ont la charge : c’est-à-dire qu’ils veillent sur eux comme un pasteur veille sur son troupeau. Le pape François nous a rappelé cela, dès le début de son pontificat, en nous disant que le bon berger est comme « imprégné de l’odeur de ses brebis ». Ce qui n’est pas le cas de l’imposteur « qui ne vient que pour voler, égorger, faire périr ».

J’ai croisé récemment un agriculteur qui s’est fait voler moutons et agneaux. C’est une grande blessure pour le berger, au moins autant que pour le troupeau. A l’inverse, Jésus nous rappelle aujourd’hui qu’être chrétien ce n’est pas voler mais donner de soi, « donner sa vie ». Dans l’éducation d’un jeune, l’urgent n’est-pas d’en faire un savant ni même quelqu’un qui développe ses talents. Le but chrétien de l’éducation d’un vrai disciple du Christ, c’est d’en faire une personne qui mette ses talents au service de Dieu et de ses frères. Une brebis qui apprend peu à peu — quel paradoxe ! — à devenir berger. Chacun selon sa vocation, bien sûr. Merci au Seigneur de susciter au milieu de nous des vocations de parents chrétiens, des vocations d’hommes et de femmes donnés, selon les appels particuliers que Dieu seul « connait ». S’il en est un qui connait ses brebis et qui les aime, c’est bien Lui ! Lui qui est « venu pour que les brebis aient la vie, et la vie en abondance ».

Père Rémy

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