Homélie du 20 février 2022

« Je vous donne un commandement nouveau », dit le Seigneur aujourd’hui aux disciples que nous sommes. Nous ne devrions pas nous habituer à entendre cette page. En vérité, ce que nous dit ici Jésus est d’une nouveauté dont nous n’avons qu’à peine commencé à comprendre la portée. « Je vous donne un commandement nouveau ». Le rapprochement inattendu avec la seconde lecture apporte un éclairage saisissant. Saint Paul explique que, si nous avons tous en commun avec Adam d’être « vivants », au sens physique et biologique du terme, nous avons en commun avec le Christ d’être « du ciel », d’être spirituels, c’est-à-dire des êtres animés de l’Esprit Saint : « de même que nous sommes créés à limage dAdam fait d’argile, explique Saint Paul, de même nous sommes à limage du Christ, nouvel Adam, qui vient du Ciel » (Cf. 1Co 15, 49).

C’est bien cela la grande nouveauté qui sous-tend la page d’évangile que nous venons d’écouter. C’est parce que nous sommes traversés par la Vie d’en-haut, la Vie de Dieu, qu’un nouveau regard sur le monde et sur les frères nous habite.

Ceux qui viennent de la terre n’aime que ceux qui les aiment ; ceux qui viennent du ciel aiment leurs ennemis. Ceux qui viennent de la terre attendent du retour sur investissement. Ceux qui viennent du ciel donnent gratuitement. Ceux qui viennent de la terre jugent et condamnent ; ceux qui viennent du ciel pardonnent. Ceux qui viennent de la terre maudissent ceux qui les calomnient, rendent coup sur coup ; ceux qui viennent du ciel tendent la joue et bénissent. Ceux qui viennent de la terre calculent et réclament ; ceux qui viennent du ciel donnent et se donnent sans compter ni tirer du mérite de leurs actes. Ceux qui viennent de la terre sont comme Saül, remplis de jalousie et de colère, qui se lance à la poursuite de David, son ennemi ; ceux qui viennent du Ciel sont comme David qui épargne la vie de Saül et qui lui lance (!) : « Je nai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. »

Sommes-nous cependant vraiment des hommes et des femmes « du ciel », des êtres « spirituels », selon l’expression de Saint Paul ? Je voudrais ici vous parler de notre « esprit ». Cette graine de vie du Ciel déposée dans la terre de notre corps d’homme ou de femme, et qui attend la rosée de l’Esprit-Saint pour croître et livrer sa fleur. La plupart des gens pensent qu’ils sont vraiment humains quand ils prennent soin de leur corps et de leur esprit. Et par « esprit », ils entendent leurs capacités intellectuelles, leur mémoire, leur génie humain. Mais, sans en avoir conscience, ce sont des êtres amputés, à peine différents d’un « animal », au sens littéral du mot « animal » : un être animé, vivant, biologiquement vivant. Ils ne sont pas pleinement humains, pas chrétiennement humains.

L’enseignement fondamental du Christ repose sur cette « Bonne-Nouvelle : nous sommes prédestinés à une seconde naissance, à une vie nouvelle. « Ce qui est né de la chair est chair, dit Jésus à Nicodème ; ce qui est né de l’Esprit (Saint) est esprit. » Vous remarquerez que j’ai évité d’utiliser le mot « âme ». Jésus lui-même évite ce mot. Il peut être ambigu si on l’entend au sens littéral : « ce qui est « animé », vivant en nous. Nous ne sommes pas seulement des êtres animés, des animaux ; nous sommes des êtres animés par Dieu, des êtres que Dieu, dans l’Esprit-Saint, vient habiter, transformer, sanctifier, diviniser.

Quand je reçois un sacrement, ai-je conscience que Dieu infuse sa Vie en moi ? Quand je prie, ai-je conscience que je rejoins mystérieusement l’esprit de ceux auxquels je pense, en particulier ceux qui souffrent, et même ceux qui sont morts ? Quand je médite la Parole de Dieu, ai-je conscience de la grâce de Dieu qui vient parler à mon esprit pour m’apporter une consolation, une lumière, une raison d’espérer, d’avancer, de décider, de vivre ? Quand je visite ou je reçois quelqu’un, ai-je conscience que le Seigneur est là, mystérieusement, dans cette rencontre ?

C’est Lui qui est en nous et veut grandir en nous, nous inspirant ses pensées, ses paroles, ses gestes, sa manière divine : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34). « Comme le Père Vous aime, aimez-vous et pardonnez-vous » (Cf. Luc 6, 35-36). Alors « c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement. »

Père Rémy CROCHU

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