« Prenez garde, restez éveillés ! »

Par ces mots, Jésus nous met en ordre de marche vers la fête de Noël. La vigilance est un travail très particulier. Nous connaissons tous celui du vigile de magasin qui, avant que vous l’ayez vu, vous observe et guette le moindre signe d’un comportement suspect. Et, si l’on appelle les pompiers des « vigiles du feu », c’est parce que, le feu peut sournoisement couver sous la cendre et repartir de plus belle. Et qui n’a pas compris que nos téléphones modernes ne se reposent pas une minute et nous observent : où est-il, que dit-il ? Que fait-il ? Tout cela pour nous vendre une information ou un produit, sous couvert d’être notre meilleur compagnon.

Il en est de même pour le combat que doivent mener les chrétiens : rester en veille ! Dès l’ancien testament, ce thème de la vigilance est présent, en particulier chez les Prophètes. Ainsi Isaïe : « Sur tes murs, Jérusalem, j’ai établi des gardes. Ils ne se tairont ni le jour ni la nuit » (Is 66, 2). Ou encore Néhémie : « Nous avons prié notre Dieu et nous avons établi une garde jour et nuit pour nous défendre contre les attaques de l’ennemi. » (Ne 4, 9). Et de même le livre des Proverbes : « Heureux l’homme qui m’écoute, qui veille chaque jour à mes portes et qui en garde les montants » (Pr 8, 34). Sans parler des nombreux psaumes : « Auprès de toi, ma forteresse, je veille ; oui, mon rempart, c’est Dieu » ( Ps 58, 10) ; « Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste en éveil » (Ps 62, 7). « Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore » (Ps 129, 6). Et c’est certainement la manière la plus juste de définir le peuple juif que de dire qu’il veille. Il veille dans l’attente de la venue du Sauveur, du Messie promis par Dieu.

La venue du Christ ne suspend cependant pas le commandement de Dieu à rester vigilants. « Il ne faudrait pas que le maître de maison vous trouve endormis », dit la parabole d’aujourd’hui, qui conclut : « Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! » (Mc 13, 37). Jésus nous met ainsi en garde contre ceux qui mentent et contre le « père du mensonge », le démon : « Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous habillés en brebis, mais au-dedans ce sont des loups qui dévorent » (Mt 7, 15). Ce que Saint Pierre, dans ses lettres, traduit à sa manière : « Soyez sobres, soyez vigilants. Votre adversaire le démon va et vient comme un lion qui rugit à la recherche de sa proie » (1P 5, 8). C’est ce que l’expérience de l’Église appelle « le combat spirituel » qui ne supporte aucun repos. Le combat contre le péché sous toutes ses formes, et surtout les plus sournoises.

Mais Jésus appelle aussi et surtout à une autre vigilance : l’attente de sa venue. Sa venue aujourd’hui : « Je suis avec vous tous les jours ». Mais aussi et surtout sa venue dans toute sa gloire, « à la fin des temps » (Mt 28). Cette attente que Saint Paul voit grandir dans le cœur des premiers chrétiens et dont il parle dans la 2ème lecture : « Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 7-8).

Un homme m’a raconté sa galère qui l’avait conduit à mendier. Le matin, alors qu’il était désespéré, il avait sorti le pain qu’il lui restait de la… « veille » (!), il l’avait tendu vers Dieu en le priant désespérément : « tu m’as donné ce pain, hier. Merci de me donner le pain pour aujourd’hui encore. » Sans savoir cela, je lui ai proposé de la nourriture. Les larmes dans les yeux, il m’a dit : « aujourd’hui, j’ai reçu bien plus que j’ai demandé à Dieu et je le bénis d’avoir été bon avec moi ! » Cet homme attendait quelque chose : du pain. Mais derrière ce pain, il y avait l’instinct de survie. Et nous, qu’attendons-nous ? Avons-nous donc tant que nous n’ayons plus besoin de rien ? Savons-nous encore crier vers Dieu ? Chers amis, de jour comme de nuit, gardons le cœur en veille. Le Seigneur vient. Soyons vigilants.

Père Rémy Crochu, curé.

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