Nous voici devant 2 petites paraboles de Jésus. Les évangiles ne nous en rapportent pas moins de 50. Avant de regarder celles d’aujourd’hui, je me permets un petit détour pour nous rappeler ce qu’est une « parabole ». Jésus parle souvent en paraboles. Ce sont toujours de petites histoires partant de faits ordinaires observés généralement dans la nature ou liés à l’activité humaine. Elles ont clairement l’intention de toucher l’auditoire au cœur. Car pour lui, le cœur est le lieu premier de la rencontre de l’homme avec Dieu. Aussi, la parabole est-elle la voie royale pour accéder au message qu’il veut livrer sur ce qu’il appelle allégoriquement le « royaume des cieux ». « Le royaume des cieux est comparable à… » On ne parle plus aujourd’hui en paraboles. C’est qu’on préfère expliquer des choses, théoriser, plutôt que relire une expérience. On a remplacé le cœur par le cerveau !
Jésus, lui, enseignait beaucoup en paraboles. Il n’était pas le seul. De nombreux sages — surtout dans l’antiquité orientale — ont usé de ce style littéraire pour exprimer une pensée, une vision du monde, une interprétation de l’histoire des peuples, de l’humanité.
On trouve en Orient — le Proche Orient comme l’Extrême Orient — de nombreuses paraboles, tant il est vrai que ces cultures manient le langage poétique, imagé, allégorique. Permettez-moi de vous en citer une. Il s’agit d’une légende indoue.
Il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahmâ, le maître des dieux ; décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher en un endroit où il leur serait impossible de le trouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette.
Lorsque les dieux mineurs furent convoqués au Conseil pour résoudre le problème, ils lui proposèrent ceci : « enterrons la divinité de l’homme dans la terre ». Mais Brahmâ répondit : « Non, cela ne suffira pas, car l’homme creusera et la trouvera. » Alors les dieux répliquèrent : « Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans. » Mais Brahmâ répondit à nouveau : « Non, car tôt ou tard, l’homme explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu’un jour, il la trouvera et la remontera à la surface. » Alors les dieux mineurs conclurent : « Nous ne savons pas où la cacher car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d’endroit que l’homme ne puisse atteindre un jour. » Alors Brahmâ dit : « Voici ce que nous ferons de la divinité de l’homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c’est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher. »
Depuis ce temps-là, conclut la légende, l’homme a fait le tour de la terre, il a exploré le monde et la lune, escaladé les plus hautes montagnes, plongé dans les profondeurs des océans et foré la terre, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui. »
Origène, grand théologien des débuts du christianisme, écrira — bien plus tard mais dans le même thème et sous forme imagée : « Creusons nos puits, rejetons-en la terre, purifions-les de toute ordure : nous trouverons en eux l’Eau-Vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, de fleuves d’eau vive jailliront de sa poitrine (Jn 7, 38). Elle est en vous, cette source, continue Origène ; elle ne vient pas du dehors, car le royaume de Dieu est en vous (Lc 17, 21). C’est en vous que se trouve l’image du Roi céleste ».
Les deux petites paraboles de ce jour ne sont pas loin de ce même thème. Elles nous disent que la semence de la Vie de Dieu a été déposée en nous, invisible, comme le grain au creux du sillon. Si l’homme la laissait grandir, elle finirait par devenir un grand arbre !
Le neveu de Rabbi Baruck, raconte un récit de la tradition juive, était en train de jouer à cache-cache avec un autre enfant. Tandis qu’il se trouvait dans sa cachette, son compagnon abandonna le jeu. Le petit courut auprès de son grand-père et lui dit en pleurant : « il ne me cherche pas ! ». Le Rabbi commenta : « Voilà la grande souffrance de Dieu : nous ne le cherchons pas ! ».
Père Rémy CROCHU