La tempête apaisée

La scène est construite comme une parabole. Pas seulement un épisode rapportant ce qui est arrivé. Mais — comme toujours, du reste — un récit à lire au second degré. Tous les ingrédients sont là. Un appel que Jésus nous adresse : « passons sur l’autre rive ». C’est ce que nous devons retenir d’essentiel : nous sommes faits pour passer avec lui de la mort à la Vie ! Et comme dans toute parabole, il faut voir, derrière les éléments de l’histoire, des réalités spirituelles fondamentales.

La mer, c’est la mort. La barque de Pierre, c’est l’Église. La tempête, c’est le Mal et ses assauts. La traversée, c’est la vie des hommes en route vers l’éternité.

Le psaume 106 entendu tout à l’heure nous restitue avec beaucoup d’humour quelque chose de cette page étonnante de la tempête sur le lac de Tibériade. Je le relis avec vous :

[Certains, embarqués sur des navires, occupés à leur travail en haute mer,

ont vu les œuvres du Seigneur et ses merveilles parmi les océans.]

Il parle, et provoque la tempête, un vent qui soulève les vagues :

portés jusqu’au ciel, retombant aux abîmes, [ils étaient malades à rendre l’âme ; 

ils tournoyaient, titubaient comme des ivrognes :] leur sagesse était engloutie.

Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse,

réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues.

Ils se réjouissent de les voir s’apaiser, d’être conduits au port qu’ils désiraient.

Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes ;

Comme on le voit déjà dans ce psaume, ce qui va renverser la situation (sans renverser la barque !), c’est le cri de l’homme vers Dieu : « Maître, nous sommes perdus ! » Le fait n’est pas banal. Jésus, nous disait-on en commençant, avait passé la journée à enseigner. On peut imaginer qu’il était fatigué. Alors Pierre, par gentillesse et empressement, décide de prendre le relai : « toi, aujourd’hui, tu as fait ton travail, maintenant, c’est à moi de faire le mien. Et reste à l’écart : tu me serais, de toutes les façons, inutile : tu n’y connais rien de la manœuvre d’une barque ».

Ne faisons-nous-pas ainsi à l’égard de Dieu ? On s’intéresse à lui quand ça nous arrange, mais, à l’ordinaire, nous « menons notre barque » à notre guise, même si parfois — il faut l’avouer — nous « ramons » un peu… Nous pensons bien à Dieu de temps à autre, nous disons une prière le matin ou une autre le soir. Nous avons nos petites dévotions. Mais nous vivons en fait comme s’il devait rester sagement sur le coussin, c’est-à-dire en retrait de nos petites affaires. On se lève le matin, on organise sa petite journée, et puis on recommence le lendemain, et le lendemain encore. Nous sommes les maîtres. Et, Jésus est l’Invité à qui on ne demande rien

Et lui ? Il dort. Du moins il semble dormir. Car si son corps d’homme croule de sommeil, son Esprit Divin, lui, ne dort pas. Il reste en éveil. « Je dors, dit le Cantique des Cantiques, mais mon cœur veille » (Ctq 5, 2). Ah, si tu savais crier vers moi ! Aux heures de grand péril, sans doute, mais se pourrait-il que tu le fasses davantage ? Alors, je sortirais de mon sommeil. Alors, toi et moi, par-delà les périls, nous passerions ensemble « sur l’autre rive » !

Père Rémy CROCHU

Les commentaires sont fermés.