Pourquoi êtes-vous venus (ce soir – ce matin) ? Beaucoup de nos contemporains se contentent en effet de passer la fête de Noël en famille ou entre amis, dans la joie des retrouvailles. Votre seule présence dans cette église montre que vous ne vous en contentez pas. Vous vous dites que Noël sans sa célébration à l’église, sans les cantiques traditionnels, sans la crèche illuminée et le petit Jésus qu’on y dépose, ce ne serait pas vraiment Noël.

Qui que vous soyez, ce soir, je ne peux que vous inviter à aller plus en profondeur encore. Le récit que nous a fait l’évangile de cette naissance nous a plongés dans un univers étrange, où se mêlent à la fois le réalisme d’une situation très ordinaire (de pauvres parents devant faire face aux aléas de la vie) et le miracle d’une naissance entourée d’anges et de visiteurs nocturnes inattendus. Nous sommes devant les deux faces d’un seul et même Mystère. Noël nous invite à un décentrement… pour un nouveau recentrement. Je m’explique tout de suite.

1 – Dieu nous invite à nous décentrer. Se « décentrer » veut dire renoncer à « se mettre au centre de tout ». Ce décentrement commence déjà avec Dieu qui, à l’origine de tout, pose l’acte créateur. Dieu avait-il besoin de créer l’univers pour exister ? Non. Mais Dieu, parce qu’aimer est sa nature même, a voulu partager en Jésus son existence divine à tous les hommes : « C’est par lui (Jésus) que tout est venu à l’existence, dira l’Évangéliste Saint Jean. » C’est« Dieu en sortie », pourrait bien dire le pape François, selon sa formule favorite.

Ce « décentrement » s’accomplit dans le Christ et par lui qui est « venu habiter parmi nous, afin d’éclairer tout homme de la lumière de la vie. » (Cf. Jn 1, 1ss). Et l’on verra Jésus, à longueur d’Évangile, se décentrer de lui-même pour se faire « tout à tous ». Son « décentrement » ultime étant celui de la Croix où il descendra dans les profondeurs de la mort et du péché pour y jeter son germe de Vie éternelle.

Ce « décentrement » de Dieu s’est alors prolongé en nous à travers les siècles, en tout « homme de bonne volonté ». Ce sont pour commencer les bergers qui sont sortis de leur sommeil pour courir à la crèche. Ce sont les Mages suivant l’étoile jusqu’à la crèche. Ce sont les premiers disciples puis les Saints et les Saintes, à travers les siècles. Tous ont quitté le confort de « moi au centre de tout » (mes besoins, mes passions, mes ambitions) pour suivre le Christ. Dans votre présence ici, vous qui êtes sortis de votre « chez soi » bien confortable, j’ose reconnaître l’indice d’un « décentrement » de vous-mêmes.

2 – Mais, allons plus loin encore. Dieu nous invite à un « recentrement », à le mettre au centre. Il nous invite à être avec Lui, résolument et définitivement avec Lui. La semaine passée, j’ai rencontré des collégiens pour leur parler de Noël et je les ai invités à écrire quelque chose de personnel sur un petit bout de papier. L’un d’eux portait ces mots rapidement griffonnés : « Je ne crois pas, mais vous allez peut-être me donner envie de croire. Ce qui m’a surpris, c’est que le papier commençait par une prière : « Je vous remercie, Dieu, d’être là pour chacun d’entre nous » ! Il y avait de quoi se perdre : comment un non croyant pouvait-il écrire une prière ? Comme s’il ne pouvait pas se résoudre à une affirmation toute faite et confortable : « Je suis athée », « je suis croyant ». Avait-il commencé à comprendre que se centrer sur soi, sur ses certitudes, est une impasse ? Je mets en vis-à-vis le témoignage d’une grand-mère mourante, ces derniers jours, qui faisait cette promesse à ses deux fils : « Je veillerai sur vous ». Voilà un bon exemple d’une personne « décentrée », au point de croire que, par-delà la mort même, elle pourra continuer sa mission maternelle.

Vous qui vous êtes « décentrés » (ce soir – ce matin) en entrant dans cette église, la fête de Noël vous pose la question : Quel est ton centre ? Et, si tu acceptes que le Christ soit ton « centre », tu seras comblé. Au moins autant que Marie et Joseph se penchant avec émerveillement sur le berceau de leur Fils nouveau-né en lui disant eux aussi : « nous veillerons sur toi ». Vous aussi, bonne “veille” de Noël !

Père Rémy CROCHU

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