Pèlerins sur la terre

Le thème de Lourdes, cette année, inspire ma réflexion, en ce temps de Pâques : « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession ». C’est l’appel de « la Dame », à la petite Bernadette Soubirous, en 1858. Dès le début, procession et pèlerinage seront synonymes. Et, depuis 150 ans, de nombreux pèlerins se sont pressés à la Grotte de Massabielle, tout comme les pèlerins nantais ces derniers jours.

Le thème de la « procession » (ou du « pèlerinage ») n’a rien d’une anecdote. Si Marie invite à venir à Lourdes, ce n’est ni pour du tourisme ni même pour un geste de piété. Marie rappelle à chacun de nous notre condition de « pèlerins sur la terre ». Et le « ici » de son appel est une invitation à orienter — au sens chrétien du terme — notre existence vers son but ultime, le Ciel de Dieu.

Pèlerins, nous le sommes. Et notre quotidien nous le rappelle sans cesse : nous sommes « de passage » et nous en faisons l’expérience à travers tous les changements auxquels une vie doit faire face : l’embryon vers sa naissance ; le nouveau-né qui devient un enfant ; l’enfant, un adulte ; l’adulte, un vieillard. Sans oublier l’ultime pèlerinage que nous accomplissons tous dans notre passage à Dieu.

La jeune Bernadette initiera ce mouvement de pèlerin, avant même la demande explicite de la Mère de Dieu. Chaque apparition voit augmenter le nombre des visiteurs à la Grotte. Peu à peu, les curieux sont remplacés par les pèlerins. On vient guetter une parole, un geste de la voyante. On vient prier aussi, chapelet ou cierge allumé à la main. 30, puis 50, puis 100, 1 000, 10 000 ! On vient de Lourdes, puis des villes voisines, puis du pays tout entier et enfin des quatre coins du monde !

Les apparitions finies, l’été 1858, les foules continueront d’affluer, encouragées par la reconnaissance officielle de l’évêque, et elles continueront de déposer à la grotte une prière ou une offrande que l’on glisse dans les anfractuosités du rocher. Quant à elle, Bernadette s’éloignera pour vivre son propre pèlerinage vers Nevers, puis de Nevers au Ciel, à l’âge de 36 ans.

La mission du sanctuaire de Lourdes s’est constituée autour du message de la Vierge Marie : « Qu’on vienne ici en procession ». Un message appliqué à la lettre : la procession eucharistique avec les malades, tous les après-midis ou la procession mariale (dite « des lumières »), chaque soir. Mais que personne ne s’y trompe : c’est l’esprit du message qui compte davantage. La « procession » dont la Sainte Vierge nous parle nous renvoie à notre condition de « pèlerins sur la terre », d’étrangers en voyage. Dans l’évangile, pèlerin et étranger sont synonymes. « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » peut se traduire par « j’étais un pèlerin… ». Le propre du pèlerin, c’est de n’être pas chez lui là où il marche. Le pèlerin avance en terre inconnue, mais il avance vers la Terre de son désir. Et cette « Terre », c’est la Vie éternelle dont Jésus ne cesse de parler. Une Terre au terme du voyage, certes ; mais une Terre déjà présente au cours du voyage puisqu’en chaque rencontre, Dieu est là ! Ainsi, les pèlerins d’Emmaüs avaient-ils goûté la joie brûlante du Ressuscité tout en marchant. Ainsi, Bernadette avait-elle eu un avant goût du ciel dans les apparitions de la Dame, à la grotte. Ainsi, avons-nous un avant goût du ciel en chaque « clin Dieu » qui surgit à l’improviste, dans notre vie, et ravive notre élan, avant le but final !

                                          Père Rémy CROCHU

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