De saintes personnes, dessein de Dieu
On parle si mal de la sainteté ! Les saints de plâtre sont devenus pour la plupart d’entre nous des étrangers. Nous en aimons quelques-uns parfois parce qu’ils nous sont devenus sympathiques pour une raison ou une autre. Mais, qui d’entre nous rêve encore d’être un saint ? « Je ne suis pas un saint ! », nous arrive-t-il de dire, comme s’il s’agissait d’une excuse valable !
La Sainteté fait peur. Probablement parce que nous parlons de ce que nous ne connaissons pas. Or, la Sainteté, c’est Dieu lui-même : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! » Cette sainteté de Dieu nous a-t-elle un jour éblouis de sa pure lumière ? Lui seul est saint ; et les saints du calendrier n’ont rien voulu d’autre que s’en laisser éblouir, irradier.
Le monde moderne dans lequel nous vivons manque cruellement de saints parce qu’il cherche à éteindre l’émerveillement et l’espérance, jusque dans sa jeunesse. Eloi Leclerc, dans « la Sagesse d’un Pauvre », écrit, sans nostalgie mais avec objectivité, que l’homme des siècles passés « participait au monde, naïvement ». « L’homme avait alors des racines puissantes » et il « s’appuyait sur des adhésions vitales et instinctives particulièrement fortes » que rien ne venait « ébranler ». On y reconnaît bien la figure de Saint François dont ce livre raconte une période difficile de la vie.
L’homme d’aujourd’hui « a perdu la naïveté ». Et, sans condamner la modernité, le même auteur franciscain explique que « le progrès ne s’est pas réalisé sans perte considérable sur le plan humain. L’homme, enorgueilli de sa science et de ses techniques, a perdu quelque chose de sa candeur. » Je trouve cette pensée très juste.
François d’Assise — dont il faut rappeler que le pape a choisi d’emprunter le nom — contrairement aux caricatures qu’on peut faire de lui, n’était pas un grand naïf, un doux rêveur parlant aux oiseaux et chantant des cantiques à l’eau de rose ! Mais, il avait au cœur une joie simple et profonde, nourrie par une inébranlable confiance en Dieu et dans l’Église, comme celle de tout nouveau-né en sa mère. Une foi ancrée : l’amour de Dieu est à l’origine de tout et irradie tout en lui donnant son sens. Et François pouvait alors sillonner les rues d’Assise en criant « l’amour n’est pas aimé » tant il était blessé de voir les résistances opposées par ses contemporains au flot de la tendresse de Dieu.
Et ce flot, c’est son amour sublime, c’est sa sainteté contagieuse, bien plus que la Covid 19, quand on ne lui impose pas de « mesures barrières » ou de « couvre-feu » ! C’est que nous fuyons la sainteté « des simple gens ». Nous organisons des zones de quarantaine aux frontières de notre cœur ou de nos paroisses, et nous cherchons par tous les moyens la fabrication d’un vaccin anti-sainteté efficace. Heureusement, les enfants et les pauvres (de cœur) sont des cibles privilégiées du virus. On le voit dans la figure de sainteté du jeune Carlo Acutis qui vient d’être béatifié. Prions Dieu qu’il en reste encore quelques autres humbles candidats (candides ?) à la sainteté : « Si vous ne devenez comme des tout-petits, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux »…
Père Rémy CROCHU