« Le repas des noces est prêt » (Mt 22, 7). Sans présumer de la qualité du repas que vous prendrez chez vous ce soir, je voudrais reprendre avec vous ce thème du « repas des noces » que nous suggère l’évangile de ce dimanche, à nous qui sommes les heureux « invités au repas du Seigneur ».

« Le repas des noces est prêt », nous dit Jésus. La messe qui nous rassemble — chacun de vous le sait — commémore et réactualise un autre repas, celui de la Cène, au cours duquel il a consacré le pain et le vin de sa Pâque nouvelle, son Corps et son Sang offerts pour la vie du monde.

Nous parlons de repas. Rappelons-nous que celui-ci est — dans la tradition biblique et orientale du moins — un acte humain de grande importance. Loin de se réduire à la nourriture qu’on y prend, le repas est, on le voit souvent dans la Bible, associé à l’hospitalité (notamment l’hospitalité accordée aux pauvres), associé aussi à la joie des retrouvailles (pensez au fils prodigue qui revient chez son père), associé aux paroles qu’on y échange entre convives (songez aux nombreux dîners au cours desquels Jésus va enseigner ses hôtes).

Mais, pourquoi la Bible donne-t-elle à ce point de l’importance non seulement au « repas » mais surtout au « repas des noces » ? Il faut se rappeler que le peuple hébreu est celui avec qui Dieu a « fait alliance ». Au sens militaire sans doute, mais aussi au sens conjugal. Il s’est uni, il s’est marié, pour toujours avec ce peuple. Citons à la volée quelques versets de l’Ancien Testament : « souviens-toi de ton alliance, ne romps pas ton alliance avec nous », implore le prophète Jérémie (Jr 14, 21). « Le Seigneur exultera de joie pour toi, il dansera pour toi avec des cris de joie », prophétise Sophonie (So 3, 17). « Il arrivera dans les derniers jours, dit le prophète Isaïe, que Dieu préparera un festin pour tous les peuples » (Is 25, 6). Et le livre de l’Apocalypse, au terme de la Bible, répondra en écho : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau » (Ap 19, 9).

La grâce d’une paroisse est de permettre à tous de faire l’expérience spirituelle fondamentale de l’Alliance joyeuse de Dieu avec l’humanité. La disqualification progressive, en occident, de la foi en un « Dieu fait homme » est intimement liée à la disqualification de l’institution du mariage. Celle-ci est à la fois idéalisée et banalisée dans l’esprit de nos contemporains. Et il y a un grand enjeu, quand on y songe, à ré-évangéliser dans l’esprit des jeunes l’institution du mariage, car il en va de la foi dans l’amour fidèle de Dieu : « tu as du prix à mes yeux, ne cesse-t-il de dire, et je t’aime » ; « jamais je ne t’oublierai ».

Dans un monde où dominent la logique individualiste du « chacun pour soi » et la « loi du plus fort », nous avons tous mission de contribuer à ce que chaque personne découvre la dimension spirituelle de sa vie, son véritable prix aux yeux de Dieu ; contribuant ainsi à lui redonner confiance, à raviver son espérance, à développer sa charité envers tous et dans un lien durable, indissoluble, au sein d’un monde où règne l’éphémère, le provisoire. Et les yeux amoureux d’un conjoint sont l’une des meilleures écoles pour l’apprendre.

Permettez-moi un témoignage personnel. Aux funérailles de ma mère, il y a une dizaine d’années, mon père, au moment d’entrer dans l’église derrière le cercueil de sa femme, a soudain été saisi par la pensée que, quelques 42 années plus tôt, il était entré dans le même lieu avec sa fiancée. Pour lui, ce n’étaient plus des funérailles qu’il célébrait, mais un anniversaire de mariage ! Et il n’est pas imbécile de penser les cérémonies d’obsèques comme une célébration des noces éternelles.

Le génie du Christianisme est de nous permettre d’accéder au sens profond de nos actes humains, aussi ordinaires soient-ils, comme peut l’être un repas. Viendra pour chacun de nous l’heure où le Seigneur dira : « (Mon ami), le repas des noces est prêt ». Que répondrons-nous ce, jour-là ? Comment notre vie nous y aura-t-elle préparés ?

Père Rémy Crochu, curé.

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