Un temps pour changer

Le Carême est « un  temps pour changer ». C’est le titre d’un livre écrit par le pape François, il y a deux ans seulement, dans le contexte de la crise de la Covid. Il appelait alors cette période étonnante « notre moment Noë », faisant allusion à cette page de la Bible qui raconte une lointaine période de crise qui avait « déferlé » et anéanti le monde.

Les crises n’ont jamais cessé à travers l’histoire de l’humanité et notre époque n’y échappe pas. Or, « entrer en crise, c’est passer au crible. Tes concepts, tes façons de penser sont bouleversés ; tes priorités et ton mode de vie sont remis en question. Tu franchis un seuil, par choix ou par nécessité, car certaines crises, comme celle que nous traversons, sont inévitables. La question est de savoir si tu vas sortir de cette crise, et si oui, comment. On ne sort jamais indemne d’une crise ; c’est une règle fondamentale. Si tu t’en sors, tu en ressors meilleur ou pire, mais jamais comme avant » (pape François, Un Temps pour Changer, p. 11).

Le temps de Carême est un temps pour changer, un temps de crise. Traversons-le en demandant à Dieu de ne pas en sortir sans en être profondément changés, lavés, grandis. Or, pour être changés, il faut passer par plusieurs étapes : il y a « un temps pour voir », « un temps pour choisir » et « un temps pour agir ». Ce sont les 3 parties qui structurent le livre du pape François.

« Un temps pour voir », parce que nous sommes atteints de « myopie », à l’image du riche qui reste indifférent à son voisin, le pauvre Lazare, et qui se contente de « s’occuper de ses petites affaires » sans se préoccuper des autres.

Le pape François, qui parle de « culture du selfie » pour qualifier notre monde moderne, passe en revue

certains « lieux » qui nous laissent trop souvent indifférents les uns aux autres : certaines utilisations des médias (Télé, journaux, outils internet, réseaux sociaux) ; la tentation d’abuser du pouvoir politique, économique ou hiérarchique, jusque dans l’Église (le « cancer du cléricalisme », les abus sexuels, les manipulations de personnes fragiles) ; notre « propre petit monde d’intérêt » dont nous sommes incapables de sortir pour nous soucier de la misère ou des appels de détresse de ceux que nous côtoyons. « Laissons-nous atteindre par ce que nous voyons », conclut alors le Saint-Père.

« Un temps pour choisir ». C’est l’étape nécessaire du discernement. Un temps pour « distinguer entre les chemins du bien qui mènent à l’avenir et les autres chemins qui ne mènent nulle part ou qui sont à rebours. » Quels sont nos critères pour choisir ? Le pape en propose plusieurs : la réflexion silencieuse, la prière, le service de la vie, du bien commun, l’esprit des Béatitudes, le refus de « l’adoration des cendres ». Au fond, revenir sans cesse à deux questions : «  Qu’est-ce que dit l’Esprit ? »  et : « quels sont les obstacles, les tentations ? »

« Un temps pour agir ». C’est le temps du Salut, un temps qui nous pousse alors vers les autres pendant qu’il est encore temps. Avec la conscience permanente que, dans le Christ, nos destins son liés : mon salut comme celui de mon voisin, le salut du riche comme celui du pauvre, le salut de l’enfant à naître comme celui du mourant, le salut de celui qui croit comme celui de qui ne croit pas, le salut de mes proches d’aujourd’hui comme celui des générations à venir. « La fraternité est notre nouvelle frontière ». Car, « ton Père voit ce que tu fais  dans le secret (pour ton frère) : il te le revaudra » (Mt 6, 18).

                     Père Rémy CROCHU

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