(image extraite du missel pour les enfants)
En ce dimanche du Saint Sacrement, je vous inviterais bien à une petite randonnée. En espérant que le temps s’y prête ! Depuis des jours, Jésus, le pèlerin par excellence, avait sillonné les routes de la Galilée. Et voici qu’il avait entrainé une foule nombreuse à sa suite, aspirée par son enseignement. Hommes, femmes, enfants : ils étaient « environ 5000 », nous rapporte Saint Luc, dans cet « dans un endroit désert ». Aux dires des apôtres, on était à bonne distance du village le plus proche, et il n’y avait donc plus d’autre solution que d’y chercher asile pour la nuit. Le comble dans cette affaire, c’est que les foules semblaient être venues sans provisions, ou plutôt jusqu’à épuisement de celles-ci ! Ne restaient que 5 pains et 2 poissons… C’est maigre !
Il faut se persuader ici d’une chose — et de très grande importance pour nous : ceux qui étaient venus ce jour-là avaient faim, d’une faim supérieure à celle du corps. Ils étaient venus de loin pour rencontrer Jésus, l’écouter, se nourrir du pain vivant de sa Parole et se laisser consoler par elle. Ils concrétisaient cette parole de Jésus, quand il avait dit à Satan, lors des tentations au désert : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Nous qui sommes aujourd’hui réunis dans cette église comme hier la foule dans cet « endroit désert », qu’est-ce qui nous a donné envie de sortir de chez nous ? Quelle est cette faim du Christ et de l’Évangile qui nous a poussés jusqu’ici ? L’Eucharistie veut combler en nous les faims et les soifs les plus profondes : faim d’être aimés, soif de bonheur et de paix.
Mais ce qui est peut-être le plus surprenant dans le récit de la multiplication des pains, — comme un miracle dans le miracle — c’est le sursaut de foi que Jésus va déclencher dans le cœur de ses apôtres. « Donnez-leur vous-mêmes à manger », leur dit-il. On fait un rapide inventaire de ce qui reste : « 5 pains et 2 poissons ». C’est l’indigence de ce peuple affamé qui n’a plus que 5 pains : leur bonne volonté, leur courage, leur ouverture du cœur, leur humilité et leur conscience d’être pécheur ; et seulement 2 poissons : leur pauvre amour de Dieu et leur fragile amour du prochain. Voilà le seul équipement avec lequel ils se sont mis en route pour marcher avec le Christ. Voilà notre propre équipement. C’est peu, mais c’est beaucoup. Car c’est avec cette indigence que Jésus va réaliser le miracle de la multiplication. Il compte, aujourd’hui encore, sur notre peu pour en faire une abondance ! Tu viens avec peu dans cette église ? Et alors ? C’est ton peu dont veut se servir le Christ, Pain véritable et Source vive de l’éternité !
Le miracle dans le miracle, alors, c’est que les apôtres vont devoir poser un acte de foi qui les préparera à traverser les plus grandes épreuves : Jésus va les combler à la mesure de leur obéissance ! « Ils exécutèrent la demande de (Jésus) » en recevant la nourriture de sa main et en la distribuant à la foule. A chaque fois que nous partageons, même pauvrement, les miettes de ce que nous avons reçu de Dieu — une parole qui nous a touchés, une grâce dont nous avons bénéficié, un sacrifice que nous avons consenti et qui nous a fait du bien — nous prenons le risque que cette maigre nourriture qui passe par nos mains fasse du bien et vienne combler la faim de ceux que nous rejoignons dans leur propre lieu désert, dans leurs propres faims. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » !
Père Rémy CROCHU
HOMELIE-19-06-2022-JMPPère Jean Michel POUPARD