Je vous propose d’articuler notre médiation de l’Évangile autour de trois mots : un désert, une voix et un chemin.
1. Un désert
Il faut commencer par là :. Le baptiste a vécu sa mission dans un contexte particulièrement difficile. Et sa mort tragique n’en fera que souligner la cruauté. Il faut en effet garder en tête qu’Israël est un pays occupé depuis plusieurs générations par une armée étrangère, grecque puis romaine. Une armée qui étend son pouvoir au point de s’installer, avec femmes et enfants, en construisant ses propres villes auxquelles elle donne ses propres noms : Tibériade, Césarée, Alexandrie, Agrippine… On est en guerre et la violence est partout. Le désert dans lequel Jean fait entendre sa voix n’est seulement un désert vide de population et de bruit ; c’est aussi et surtout un désert vide de paix, vide de foi, vide de joie.
Et si nous pensons à ce que nous avons vécu plus récemment ou même à ce que nous vivons aujourd’hui, pensons que les déserts du vide de ce temps ne sont pas vraiment une nouveauté. Cela a été, cela est et cela sera sans doute encore… Voilà pour le contexte de cette page d’Évangile.
2. Une voix
Jean, c’est « une voix qui crie ». Vous l’avez compris, il ne baptisait pas vraiment dans un monde apaisé et facile. Il aurait pu alors chercher à faire ce que beaucoup faisaient : se cacher et courber le dos. Il ne l’a pas fait et cela lui coûtera la vie. Mais sa méthode n’a pas consisté comme d’autres à entrer dans une résistance armée. Lui, il disait à qui voulait l’entendre : « Préparez-vous à accueillir celui qui vient en vous engageant sur un chemin de conversion ». Jean savait en effet que ce qu’il fallait d’abord changer, ce n’était pas le pays mais les cœurs. Pas sortir dans la rue pour renverser le pouvoir politique en place, mais opérer une conversion intérieure profonde. C’est le sens du « baptême de conversion » qu’il proposait, lui, « la voix qui crie dans le désert ».
Peut-on penser que la recette qui a fonctionné hier ne puisse pas donner, encore aujourd’hui, tout son fruit ? Le temps de l’Avent est un temps privilégié pour nous rappeler cette vérité : si tu veux que ton frère change, commence par te changer toi-même. Prépare dans ton cœur le chemin du Seigneur.
3. Un chemin
Un chemin intérieur, oui. C’est notre troisième mot. Car, tout désert doit être traversé. Y rester, c’est mourir. Rester dans le désert de l’exclusion, de l’intolérance, c’est être condamné à mourir. Rester dans le désert de la violence en réponse à la violence ou du « chacun pour soi », c’est une impasse. Transformer la planète en véritable désert dans sa faune ou dans sa flore, c’est du suicide. Laisser au désert de la solitude les personnes atteintes d’un handicap, noyées dans le chagrin ou prisonnières de leur remords, c’est un crime devant Dieu.
Le Christ nous a montré le chemin et il l’a emprunté lui-même. Ce chemin commence à Noël et il passe par le désert de la Croix. Mais il débouche sur la Résurrection et la joie éternelle. « Ramène, Seigneur, nos captifs, chante le psalmiste, comme les torrents au désert. Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. » (Ps 125) Et le prophète Isaïe : « La terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu ».
Un désert, une voix et un chemin ? Puissions-nous, ensemble, faire de ce temps de préparation à Noël une nouvelle traversé du désert vers la joie de pâques où « tout homme verra le salut de Dieu ».
Père Rémy CROCHU