La liturgie nous plonge dans l’histoire archi connue de Zachée. L’épisode se déroule à Jéricho. Le lieu n’est pas anodin : il s’agit de la ville la plus basse de Palestine et même de la terre entière, puisqu’elle est située 240m au-dessous du niveau de la mer. Jéricho est aussi la ville historique d’entrée des hébreux dans la fameuse Terre Promise. Elle est le symbole du Passage, de la traversée, de la Pâque ! Vous l’avez compris, l’épisode de la rencontre de Jésus avec Zachée est une annonce de la mort et de la résurrection de Jésus, descendu dans les entrailles de la terre pour entrer, le premier d’une multitude, dans la Terre Promise, pour entrer dans la vie éternelle. Aussi, les derniers mots de Jésus dans cet évangile deviennent lumineux : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

On pourrait arrêter ici le commentaire. Il est clair que l’invitation de ce dimanche est une invitation à entrer dans le mouvement de résurrection initié par le Christ. Mais c’est la condition qui s’impose pour entrer dans ce mouvement, dont il est question ici. Et cette condition, la voici : passer là même où Jésus est passé, c’est-à-dire descendre !

Zachée, lui, cherche au contraire à monter. C’est le fait de sa petite taille, certes. C’est surtout le fait d’un homme riche, d’un publicain. Pire, d’un chef des publicains, ces collecteurs de l’impôt qu’ils ont la triste charge de réclamer aux habitants d’un pays annexé par l’envahisseur romain. On dirait aujourd’hui que Zachée est un « corrompu », un « collaborateur », un « traitre ». Mais, il est aussi un homme de désir, un homme « en recherche » comme on dit parfois. Il était animé par la curiosité de voir celui dont on entendait partout parler parce qu’il « faisait bon accueil aux pécheurs », dirait-on, et qu’il « mangeait avec eux ». Zachée nous ressemble avec nos propres fragilités, inscrites dans notre chair ou dans notre âme, et qui font que nous ne sommes pas « à la hauteur » des choses, des événements. Mais, il nous ressemble aussi pour nos quêtes intérieures.

Jésus nous invite alors, comme il le fait avec Zachée, à être à la hauteur de Dieu. On raconte dans la tradition juive cette histoire. Un homme demanda un jour à un rabbin pourquoi, à la différence des temps de la création où Adam et Ève s’entretenaient directement avec lui, les hommes d’aujourd’hui n’entendaient plus la voix de Dieu. Et le rabbin répondit : « Ils n’entendent plus Dieu parce qu’ils ne se penchent pas assez bas pour l’écouter ».

Dieu, qu’on appelle souvent « le Très-Haut » peut aussi être nommé « le Très-Bas », selon le titre d’un fameux livre de Christian Bobin. C’est là qu’il faut le chercher : jusque dans les profondeurs de nos Jéricho intérieurs. La bonne hauteur pour Dieu, c’est la hauteur du sol, c’est les pieds sur terre, c’est « à hauteur de terre », c’est dans ton cœur de chair ou parfois de pierre. Le chrétien « un peu perché », comme le dit une expression à la mode, a encore quelque chose à apprendre, à expérimenter. On est « un peu perché » quand, comme Zachée, on n’assume pas vraiment ou qu’on ne veut pas voir ce que l’on est : un homme ou une femme avec ses faiblesses et ses contradictions, avec ses casseroles parfois lourdes à traîner. « Zachée, descends vite », nous crie Jésus : « aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Et la question demeure : es-tu prêt à entendre aujourd’hui cet appel à descendre ?

Père Rémy CROCHU

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Père Jean Michel POUPARD

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