La venue des mages à Bethléem a des allures de conte pour enfants. Du moins est-ce l’impression que nous laisse ce récit quand on le compare à d’autres histoires toutes aussi improbables. Ce récit, dont il n’est pas question de remettre en cause l’historicité, est cependant à entendre comme une prophétie pour aujourd’hui. Une prophétie, c’est-à-dire une Parole éternelle, que Dieu prononce ici en actes, pour que nous nous laissions habiter par elle, contaminer par elle. Et que dit cette Parole ?
Elle nous dit que l’Esprit-Saint travaille le cœur des hommes, bien au-delà des frontières ethniques, culturelles ou religieuses qui nous distinguent. Dans sa lettre « Tous frères », le pape François exprime son étonnement face à 20 siècles de christianisme qui n’ont pas suffi , chez des gens qui se disent chrétiens, à éradiquer des propos exclusifs. Je le cite : « Il s’en trouve encore qui semblent se sentir encouragés, ou du moins autorisés, par leur foi à défendre diverses formes de nationalismes, fondés sur le repli sur soi et violents, des attitudes xénophobes, le mépris, voire les mauvais traitements à l’égard de ceux qui sont différents. » (FT N° 86).
A la crèche, les mages venus d’Orient qui plient le genou devant Jésus sont totalement étrangers à la foi juive. Et c’est auprès du roi Hérode qu’ils viennent chercher les informations qui leurs manquent pour pouvoir interpréter les signes astrologiques. Or, ces gens-là, ces gens « en recherche », « en quête », courent les rues aujourd’hui. Ils sont présents dans nos familles, ils sont dans nos villages et nos villes. Ils cherchent ici ou là des réponses à leurs soifs multiples, à leur quête insatiable de bonheur. Et beaucoup de nos contemporains sont sensibles aux signes, aux événements, aux coïncidences, tentant de les interpréter ou de trouver quelqu’un qui les aide à le faire.
Le signe actuel le plus évident — parce qu’il est à l’échelle planétaire — c’est la pandémie de la Covid 19. Elle s’est abattue depuis un an sur nous, venant contrarier les plans d’un monde habitué à tirer les ficelles du pouvoir, du savoir et de l’argent. En quelques mois, elle a bousculé nos repères, nos projets souvent reportés ou même annulés. Ne s’agirait-il pas d’une « Parole de Dieu », d’un message qu’il nous adresse ? Certains se seront un peu plus repliés sur leur « petit monde », dans leurs « zone de confort » : leur maison, leur famille, leurs repères ; au risque de déconsidérer ce qui est au-delà : ceux qui « ne pensent pas comme nous », le monde scientifique, les politiques, les « autres ». D’autres se réfugieront dans un passé idéalisé comme un paradis perdu (« Dans mon jeune temps… »).
Comme il est bon de contempler alors Marie et Joseph qui, dépassant leur appréhension d’accueillir des inconnus, laissent les mages se pencher sur le berceau du Roi du monde ! Mieux encore, ils les porteront dans leur cœur, méditant longuement le sens de ces événements. L’Épiphanie est la préfiguration du don de l’Esprit de Pentecôte répandu sur tous les hommes et femmes de bonne volonté : sur les Marie et Joseph d’aujourd’hui : les chrétiens accueillants et généreux de toute sorte ; sur les pauvres gardiens de troupeau aujourd’hui : les parents, les éducateurs, les pasteurs, les guides de toute sorte ; sur les mages d’aujourd’hui : les scientifiques, les soignants, les curieux ou les mystiques de toute sorte. Seigneur, envoie sur ce monde ton Esprit-Saint, la lumière de l’Épiphanie ! Amen.
Père Rémy, curé.