Image : missel pour les enfants

« 5 pains et deux poissons : qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » ! Le dérisoire face à l’immensité des besoins… Le réalisme de l’apôtre Philippe nous plait bien, et c’est le miracle de Jésus qui continue de nous surprendre. Le monde dans lequel nous vivons regarde avec suspicion — quand ce n’est pas avec dérision — ceux qui prétendent pouvoir résister à la force des « évidences ». Qu’est-ce que 5 pains pour une foule affamée ? La foi, mes amis, ne va pas de soi. Elle chahute inévitablement notre esprit cartésien pour qui « deux et deux font quatre ». Pour cela, nous avons deux conversions successives à vivre.

La première conversion consiste à passer du « je ne crois que ce que je vois » (la foi des sceptiques) à « je consens à faire confiance sans nécessairement tout comprendre ». Philippe, dans l’Evangile, nous offre un modèle de ce changement de regard. Si dans un premier temps, il mesure le ridicule que constituent 5 pains et 2 poissons face à la faim de 5000 hommes, il se sent provoqué par l’audace de son maître et par sa sérénité : « faites asseoir les gens ». Jésus ne leur dit pas : « renvoyez les foules », mais au contraire, il les garde près de lui. Ce faisant, il met à l’épreuve la foi de ses compagnons.

Il m’arrive souvent de rencontrer de la résistance de personnes qui, devant un prêtre, se disent qu’il doit forcément être un doux rêveur, pas très réaliste sur les questions matérielles. Et s’il fait preuve de bon sens, c’est le fait de qualités humaines, pas de sa foi. Jésus lui-même s’est vu installer à l’arrière de la barque, rappelez-vous, quand il s’agissait de la manœuvre sur le lac. Une affaire de spécialistes, pas d’un prédicateur ! La première conversion consiste donc à renoncer à regarder et comprendre les choses à partir de soi (« c’est mon avis, et je le partage » !), mais à accueillir avec bienveillance, à prendre en considération le regard des autres, l’avis des frères, le témoignage des gens de confiance comme un lieu possible d’une Parole de Dieu. Ainsi en est-il des apôtres qui finissent par faire confiance à Jésus, même si, dans un premier temps, ils le font timidement, sans un enthousiasme débordant !

Mais Jésus va plus loin. En multipliant les pains, il va pousser les apôtres à une seconde étape décisive de sa conversion. Au fur et à mesure qu’ils vont plonger leur main dans les paniers, ils vont entrer dans le regard de Jésus, adopter le point de vue du Christ, et faire eux-mêmes ce que Lui fait. Un exemple. On peut légitimement éprouver un sentiment d’échec devant un projet (un projet professionnel, un projet familial, un projet immobilier, etc.) qu’on avait envisagé et pour lequel on avait même prié, et qui a fini par « capoter ». Et voici qu’on se rend compte finalement que cette épreuve a porté des fruits inattendus : des dangers écartés, des projets nouveaux, une autre manière de regarder les choses, de définir ses priorités… Nous entrons peu à peu dans le regard de Dieu !

Mais, Jésus va plus loin encore. Il nous pousse à croire dans l’impossible d’une foule rassasiée par 5 pains et 2 poissons ! Je suis convaincu que l’histoire ne retiendra pas tant l’exploit de SpaceX — qui envoie à coup de millions de dollars 6 personnes dans l’espace durant 15 minutes, — que l’exploit d’une Mère Térésa de Calcutta qui, dans son cœur maternel, finira par laisser monter une formidable espérance pour des millions de désespérés.

Dieu est riche en grâces. Il ne cesse de les multiplier en qui les accueille et s’en nourrit. Et il ne se lassera jamais de donner, malgré nos résistances à les solliciter, même si son désir profond est « que rien ne se perde ». Redisons-lui merci. Infiniment merci.

Père Rémy CROCHU

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