« J’ai jeté mon manteau »

Je m’appelle Bartimée. Je suis le fils de Timée : c’est ce que veut dire mon nom : « Bar-Timée ». A Jéricho où j’habitais, on connaissait bien mon père et il était beaucoup aimé. Son nom — Timée — veut dire « tenu en haute estime » : c’est vous dire ! Moi aussi, je suis connu, mais pour une toute autre raison. J’étais aveugle et des foules sont passées devant moi durant toutes ces années où j’ai mendié à la porte de la ville. Personne ne connaissait mon véritable nom mais on savait qui était mon père et on s’étonnait qu’un homme si admirable ait pu avoir un fils aveugle. Bref, depuis sa mort et désormais seul au monde, je devais me contenter de quêter chaque jour : « Vous qui passez, ayez pitié de moi ! Ayez pitié de moi ! » Les gens, le plus souvent, changeaient de trottoir, sourds à mes appels.

Et puis, Jésus est descendu à Jéricho. Depuis longtemps, j’avais entendu la rumeur de sa venue et des gens des villages voisins nous avaient annoncé son passage. Une foule énorme s’était amassé à la porte… Par curiosité, pour la plupart. Et la foule s’était mise à lancer des cris : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Fils de David » (Cf. Marc 11, 9-10). Alors, quand j’ai compris que Jésus était à portée de voix, je l’ai appelé de toutes mes forces : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Et plus on me disait de me taire (j’en avais l’habitude, vous savez), plus je criais : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Peut-être que Jésus, lui, entendrait ma voix, ma détresse ! Il le faisait pour d’autres, alors pourquoi pas moi ? J’oscillais entre espérance et résignation. C’est alors qu’un inconnu s’est approché et m’a dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » D’un bond, j’étais debout. J’ai jeté mon manteau et j’ai couru vers Jésus, me laissant guider par le son de sa voix, encaissant les coups de ceux que je heurtais dans ma course maladroite.

Vous connaissez la suite : Jésus m’a redonné la vue et je suis devenu son disciple. Au moment de le suivre, quelqu’un m’a rapporté mon manteau. J’ai hésité un instant, mais je le lui ai laissé. C’était ma seule richesse : mon abri les rares jours de pluie, ma couverture pour la nuit ou les heures de grand froid. J’étais comme tous ceux qui ont besoin de se draper dans le manteau de leurs richesses humaines : possessions d’argent ou de biens, statut social, pouvoirs, savoirs ou vanités de toutes sortes. Je sentais qu’il fallait que je me dépouille de ce manteau. Je n’en avais plus besoin. J’avais l’amour de Jésus et je n’avais plus besoin de rien d’autre. Ma seule richesse, c’était lui, son amour pour moi, l’espérance nouvelle d’une vie avec Lui ! A sa résurrection, je serai là dans la liste des premiers témoins qui, avec moi, ont retrouvé la vue et ont cru. Mais revenons à mon récit.

Lorsque, quelques jours plus tard (Marc 11, 8), j’étais là quand Jésus est entré à Jérusalem au cri des « hosanna » lancés par la foule et que les gens se sont mis à jeter leur manteau sur la route, devant le Christ Roi. Alors, j’ai souri. Avaient-ils enfin compris que Jésus les invitait à quitter les fausses richesses auxquelles ils étaient attachés pour ne plus s’attacher qu’à lui ?

Quelques jours encore, et Jésus serait dépouillé de son propre manteau. Quelle ironie ! Mais ce Manteau, c’est désormais sur nous qu’il a été jeté, savez-vous ? C’est le Manteau de l’Église qui continue de nous offrir les trésors de la grâce de Dieu. C’est bien ce que Jésus avait annoncé en laissant des gens se laisser guérir au simple contact de son vêtement (Marc 5, 27). Et vous qui m’écoutez, n’avez-vous pas un lourd manteau retirer pour vous laisser couvrir du manteau de la grâce abondante de l’amour de Dieu ? Je vous en prie : jetez votre manteau ! Et, à ceux qui vous entourent, dites : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle ! Jette ton vieux manteau et viens revêtir le Christ ! » (Cf. Ga 3, 27).

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