5ème dimanche de Pâques
« La fécondité d’une vie donnée »
Quelle est ta fécondité ? Quel fruit porte aujourd’hui ton existence ? C’est bien la question que Jésus soulève aujourd’hui : ce qui fait la gloire de Dieu, la joie de Dieu, « c’est que vous portiez beaucoup de fruit ». Et Jésus ajoute : « C’est cela être mes disciples ».
Je laisse à chacun la charge de faire l’inventaire de sa vie. Et gardons-nous de le faire à la place des autres ! Mais il importe de se demander ici ce qu’est une vie féconde. C’est-à-dire une vie qui ne soit pas demeurée stérile et vaine : « je suis né et je vais mourir, et cette vie n’aura en définitive été utile à personne, je serai aussitôt oublié ».
Le modèle par excellence d’une vie féconde, c’est le Christ. Si, bien sûr, on résumait la fécondité à la capacité de faire des enfants, Jésus serait aussitôt disqualifié ! Sa fécondité est d’un autre ordre. Une vie féconde, nous apprend-il, c’est une vie qui donne en se donnant. C’est la vie de Jésus qui fait de sa vie entière un Don, jusqu’à la dernière goutte de son Sang. Par extension, c’est la fécondité d’une mère qui se consacre corps et âme à ses enfants ; c’est la fécondité d’un éducateur, d’un enseignant, d’un formateur qui se dépense auprès de ceux dont il a la charge, sans ménager sa peine ni attendre en retour. C’est la fécondité d’une association qui se crée pour venir en aide à des personnes dans le besoin ou mal reconnues dans leur dignité ; c’est la fécondité des gens qui, dans l’ombre, embellissent la vie des autres par leur prière, par des gestes délicats, par leur écoute et parfois des paroles valorisantes… Toutes ces vies tirent leur fécondité de celle du Christ qui donne sa vie comme « une vigne généreuse ». C’est bien ainsi que sont les disciples : on reconnait en eux la vie féconde de leur Maître : on peut « dire en les voyant : c’est Dieu vivant ».
Dans la première lecture, le livre des Actes des Apôtres nous rapporte qu’après sa conversion sur le chemin de Damas où il se rendait pour faire arrêter les premiers chrétiens, Paul (Saul) « cherchait à se joindre aux disciples ». Et on nous disait que « tous avaient peur de lui » ! Jusqu’à ce que l’apôtre Barnabé prenne sa défense : « il s’est exprimé aux juifs avec assurance au nom de Jésus ».
Retenons cette expression : « au nom de Jésus ». C’est en effet l’argument qui convaincra les plus sceptiques. Et que veut dire ce « au nom de Jésus » ? Il signifie que, désormais, Paul agira et parlera de manière à ce que chacun de ses actes et chacune de ses paroles soient dignes du Christ et inspirés par Lui. Jusqu’au martyre qui l’identifiera totalement à son Maître dont il avait été auparavant le persécuteur.
La question nous est alors posée : que faisons-nous, quelles paroles prononçons-nous « au nom de Jésus » ? Le disciple en effet n’est pas qu’un pâle imitateur de son maître, qui pourrait dire à sa dernière heure : « J’ai pas tué, j’ai pas volé » ! Beaucoup pensent qu’ils sont de « bons chrétiens » parque qu’ils défendent des valeurs morales comme (je cite ici le pape François dans Fratelli tutti) « la force, la sobriété, la persévérance et d’autres vertus » (FT N°91). A ceux-là, le Pape François répond que, sans « le dynamisme de la charité » qui les nourrit, ces prétendues valeurs morales sont « loin d’être vertueuses ». Le Christ nous enseigne par sa vie même ce qu’est la vraie charité : témoigner jusqu’à la mort que « l’être aimé m’est « cher », c’est-à-dire qu’il est estimé d’un grand prix » (FT N°93).
A ton dernier jour, quel sera ton propre témoignage d’une vie donnée à d’autres, jusqu’au péril de ta vie ? « Celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive, (…) car qui donne sa vie à cause de moi la sauvera » (Luc 9, 23-24).
Père Rémy Crochu, curé.