Si la Loi juive était déjà exigeante — « tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne te vengeras pas… » —, Jésus semble vouloir aller encore plus loin : « On vous a dit… Eh, bien ! Moi, je vous dis… » Rappelez-vous, la semaine dernière c’était à propos du meurtre ou de l’adultère. Aujourd’hui, Jésus parle de la violence et de l’amour du prochain. Dans chacun des cas, Jésus nous avait prévenu : « je ne suis pas venu pour abolir la Loi ancienne mais pour l’accomplir ». Essayons de comprendre.
Jésus commente deux versets de la Loi juive : « Œil pour œil, dent pour dent » (Lv 19) et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 24). Le premier verset est communément appelé « la Loi du Talion ». Il s’agit d’une des plus anciennes lois connues de l’antiquité et qui établit le principe d’une réciprocité proportionnée entre le crime ou le délit commis et la peine de réparation : un homme te crève un œil : tu as le droit d’exiger qu’on lui fasse la même chose. « Talion », vient d’un mot latin qui signifie : « tel », « pareil », « semblable ». Si cette loi est assez répandue dans l’antiquité, elle n’est pas interprétée au pied de la lettre par la tradition juive (Le Talmud). En effet, ce qu’on en retient, c’est la nécessité d’une réparation. Généralement par une compensation financière. Sachant qu’une vie humaine n’a pas de prix et qu’aucune compensation ne remplacera la victime d’un meurtre.
De nos jours, la loi du talion se cache derrière une certaine légitimation de la vengeance : « c’est normal qu’il paie, après ce qu’il a fait », entend-on souvent.
C’est là qu’il faut revenir à la nouveauté de l’Évangile. Jésus a fait de sa vie elle-même une incarnation de la Loi, jusqu’à donner sa vie et jusqu’à la croix. Pas pour nous dire : soyez obéissants et subissez les épreuves de la vie, tendez la joue gauche et courbez le dos. Mais pour que nous comprenions que la Loi n’est pas une prison qui enferme mais plutôt un chemin de résurrection, un chemin de Vie, un chemin pascal. Prenons une image pour le dire : le code de la route. Celui-ci impose qu’il y ait aux carrefours des feux rouges ou des stops. Il l’impose non pas pour nous contraindre, mais pour nous éviter des accidents et sauver ainsi des vies ! Et si Jésus nous dit aujourd’hui de « ne pas riposter à celui qui est méchant », s’il nous dit de faire « 2000 pas » avec « celui qui te demande d’en faire 1000 » avec lui, s’il te recommande « d’aimer tes ennemis et de prier pour ceux qui te persécutent », ce n’est pas « parce qu’il le faut », pas « par devoir » : mais il te le demande parce que c’est une question de Vie, de vraie Vie : pour lui comme pour toi.
Nous pouvons ici prier pour que les chrétiens continuent de témoigner du refus de la vengeance, de la riposte coup pour coup, de l’amour seulement de « ceux qui m’aiment », du « pas de pitié » ou « pas de sentiments » ; cela conduit à la mort, à toujours plus de mort. Mais au contraire, développons le sens du dialogue, de la légitime défense, du respect de toute vie humaine au-delà des actes commis, de la recherche du bien commun, de la miséricorde inconditionnelle. Tout cela contribue à faire gagner la paix, l’amour, la Vie. C’est le témoignage que nous recevons de Jésus-Christ mort et ressuscité. C’est le témoignage qu’il attend de nous, pour autant que nous nous laissions conduire par son Esprit de Vie.
Père Rémy CROCHU
HOMELIE-DU-19-02-2023Père Jean Michel POUPARD