Tenons-nous un instant dans la « chambre haute » où, nous dit-on, les disciples s’étaient réfugiés, portes « verrouillées », « par crainte des Juifs ». Un lieu assimilable à nos lieux d’enfermement sur nos colères rentrées, nos lieux de déceptions à l’égard de celui-ci ou de celle-là, nos lieux de honte pour un comportement passé. Tous ces lieux verrouillés de l’intérieur, parfois depuis des années, jusqu’à en avoir perdu la clé.
Ce sont bien ces lieux-là que Jésus ressuscité vient visiter. Sans même frapper à la porte, il est là ! Laissons le Seigneur se manifester à nous, montrant « ses mains et son côté » pour vaincre notre incrédulité, comme il a vaincu celle des apôtres.
Il faut s’arrêter sur le cas de Thomas. Il était absent de la chambre haute, le soir de la résurrection, pour une raison inconnue : « Ressuscité, me dites-vous ? Allons donc ! Et quoi encore ? ». Thomas représentera à travers les siècles la figure des sceptiques, de ceux qui cherchent des preuves, des explications rationnelles. Et c’est à ceux-là que Jésus ne cesse de dire, tendre mais ferme aussi : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ».
On a pensé souvent que la béatitude offerte alors par Jésus à Thomas — « heureux ceux qui croient sans avoir vu » — signifiait : « Vous n’avez pas besoin de signes pour croire ». Mais, ce n’est pas ce que Jésus a dit. Il a invité Thomas à rechercher les signes tangibles de sa présence : « avance ton doigt ici, et vois mais mains ». Autrement dit : « Désormais, c’est dans les plaies du monde, hier ouvertes et aujourd’hui cicatrisées, que tu devras voir les signes de ma Présence. Dans un pardon donné alors que tout semblait impardonnable ; dans la joie d’une naissance au moment même de la mort d’une personne aimée ; dans le sourire sur le visage d’un mourant ; dans un rayons de soleil traversant d’épais nuages. » Guetter les signes de la présence du Ressuscité est une attitude spirituelle que les disciples de Jésus adopteront désormais. Et ne plus rechercher dans le monde qui les entoure, dans les relations entre frères ou dans les événements, que ce qui leur parle de la présence du Seigneur vivant. Jusqu’à en avoir le « cœur tout brûlant », comme le disent les deux pèlerins, à leur retour d’Emmaüs. A leur suite, cherchons les signes de ce qui est en train de naître au cœur même de ce qui va mal. Cherchons, là même où Dieu semble absent, les signes de sa présence et le son rassurant de sa voix : « la paix soit avec vous ! ».
Cependant, la reconnaissance des signes de la Présence du Christ dans notre vie n’est pas à portée d’homme mais à portée de Dieu. C’est l’Esprit-Saint, et lui seul, qui peut nous dévoiler sa Présence cachée. Saint Jean Paul II, à l’occasion de l’institution de la fête de la Divine Miséricorde que nous célébrons en ce dimanche, disait à cet égard : « Il faut que l’humanité se laisse atteindre et imprégner par l’Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C’est l’Esprit qui guérit les blessures du cœur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l’amour du Père et celle de l’unité fraternelle. » (Homélie du 30 avril 2000). Et c’est la raison pour laquelle, au soir de Pâques nous rapporte Saint Jean, « Jésus souffla sur eux et leur dit : recevez l’Esprit Saint ». C’est en effet l’Esprit-Saint qui ouvrira les yeux des apôtres. Et c’est encore lui seul qui peut ouvrir les nôtres pour voir l’invisible et entendre le Ressuscité nous redire : « La paix soit avec vous ! »
Père Rémy CROCHU