« En ce temps-là… » ! C’est l’expression qu’on entend d’ordinaire dans des conversations sur le passé — « tu te souviens, en ce temsp-là… ». L’expression apparait — l’avez-vous remarqué ? — à plusieurs reprises dans les lectures de ce jour. Elle apparait dans la 2ème lecture, la lettre aux Hébreux, qui commence par ces mots : « Dans l’ancienne alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le temple pour le service liturgique… ». On fait ici clairement référence à un événement passé pour éclairer le présent : Jésus est et sera le « Prêtre » par excellence qui s’est offert une fois pour toutes en sacrifice sur la croix. Puis, il y a la 1ère lecture qui commençait par ces mots : « En ce temps là ». On se dit que le prophète Daniel va raconter lui aussi quelque chose du passé. Eh bien, non ! Le temps dont il parle est un temps à venir. « En ce temps là se lèvera Michel, le chef des anges, pour délivrer ceux qui dormaient dans la poussière de la terre ». Il ne s’agit plus des temps passés mais bien des temps à venir. Et c’est la même chose pour l’Évangile : « En ces jours-là, dit Jésus, on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire… »

De quoi parle Jésus en évoquant les temps à venir ? Nous comprenons qu’il parle de ce qu’on appelle la « fin des temps » ou encore « les « derniers temps » ; C’est-à-dire, non pas la fin de tout, mais seulement la fin du temps et le commencement de l’éternité. Y avez-vous réfléchi ? Le temps est une créature. Tout comme un animal ou un homme, le temps n’est pas infini : il a eu un commencement et il aura une fin. Il est comme le ciel et la terre dont Jésus disait à l’intant : « le ciel et la terre passeront ». De même, on peut dire : le temps passera (ou en d’autres termes, il finira par disparaître). Mais au profit de l’éternité, c’est-à-dire la réalité transformée, affranchie de l’espace et du temps.

Saint Paul méditera cela dans sa 1ère lettre aux Corinthiens en affirmant sur le même registre : « Ce qui est semé périssable (il parle de notre corps d’homme) ressuscite impérissable ». « Aussi (et c’est toujours Paul qui parle), quand, à la fin, la trompette retentira (…), les morts ressusciteront impérissables (…) car il faut que notre être mortel revête l’immortalité ».

Il faut « donner du temps à l’éternité », titre le livre d’un théologien contemporain. En d’autres termes, nous devons apprendre à apprivoiser notre condition actuelle, « dans le temps », dans l’espérance de ce qui nous attend dans l’éternité de Dieu. Et ce même auteur nous invite à développer deux vertus liées au temps présent : la patience et la persévérance.

Il en faut de la patience pour traverser les temps dans lesquels nous vivons ! La patience à l’égard de ceux qui nous agacent, nous font souffrir ou nous ignorent. La patience à l’égard de nous-même que nous voudrions capable de faire mieux, de faire plus vite ! La patience encore envers ceux qui prétendent gouverner le monde, le construire, voire même le refaire. Jésus est pour nous tous le modèle de la patience qui se met à portée de ceux qu’il rencontre, sans manifester d’impatience ni à l’égard de Pierre, ni de la Samaritaine, ni même de Judas.

Il en faut de la persévérance pour traverser les temps dans lesquels nous sommes ! La persévérance dans notre effort de conversion, dans notre recherche et disponibilité joyeuse à faire ce qui plait à Dieu. La persévérance dans la fidélité aux engagements que nous avons pris auprès d’un conjoint, auprès des enfants qui nous ont été donnés, dans la fidélité à nos engagements professionnels, associatifs, paroissiaux. La persévérance dans la prière autant que dans les actes d’amour de chaque jour. Là encore, Jésus nous donne le modèle parfait de la persévérance de qui ne renonce pas face aux épreuves, mais qui vient puiser sans cesse sa force dans le cœur du Père.

Ce temps passera. Et c’est la perspective de sa fin inéluctable qui nous donne le courage d’affronter ce qui appartient encore à ce temps : les tracas du quotidien, les faiblesses des autres ou les nôtres propres, les heures d’angoisse ou de solitude.

Mieux encore ! Le temps est une grâce ! La grâce de nous accorder un répit pour nous préparer, nous disposer à l’éternité ; pour lui accorder, à son heure, toute sa place ! « En ces temps-là — et ce temps est déjà commencé —, on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire… »

Père Rémy CROCHU

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