Photo : baptême de Jésus, basilique d’Orcival (puy de Dôme) – P CARDON (59)
Le Baptême du Seigneur
« Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Être fils et filles. Il me semble qu’il y a souvent des personnes qui sont devenues tellement adultes qu’elles semblent ne pas avoir eu d’enfance. Vous savez, de ces personnes qui se prennent tellement au sérieux, dans leur vie d’adultes responsables et compétents, qu’elles semblent avoir oublié l’enfant qui sommeille en elles. De cet enfant qui savait sucer son pouce avec innocence ou jouer en riant aux éclats devant ses propres bêtises ! Quand Jésus reçoit de Jean le Baptême, la voix du Père, venue des cieux, identifie le Jésus devenu adulte dans ce qu’il est au plus profond : le Fils bien aimé du Père céleste. Je ne connais pas beaucoup de Chrétiens qui se présentent aux autres de cette manière-là !
Le monde dans lequel nous vivons est en effet aux antipodes. S’il propose souvent un modèle d’homme ou de femme idéal(e), c’est quelqu’un qui semble restés adolescents, immatures, qui sacrifie à tous ses désirs, qui cède à toute tentation, et qui n’a de leçons à recevoir de personne !
Par ailleurs, le monde dans lequel nous vivons est lui-même adolescent. Le pape François dans « Fratelli Tutti » pointe du doigt ceux qui, sous prétexte d’un monde qui a changé (cela est vrai du point de vie des techniques), « disqualifient le passé et l’expérience des aînés » (Cf. FT N° 13). Et, dans les écoles, on entend parfois que si l’on encourage — et à juste titre — la capacité de penser par soi-même, on peut aussi encourager une certaine idée que personne n’avait pensé — et bien pensé ! — avant soi. Et je constate que des jeunes ignorent tout du passé de leurs aînés ou s’en désintéressent comme si on leur parlait de la préhistoire !
Nous fêtons aujourd’hui le baptême du Seigneur. Nous avons, depuis dimanche dernier, fait un bond de 30 ans dans la vie de Jésus ! Et pourtant, c’est dans la couleur de Noël que nous devons entendre cette page de l’évangile. En effet, noël nous avait conduits à réfléchir sur le mystère de Dieu chair, en Jésus Christ. Et voici qu’aujourd’hui, c’est une sorte de prolongement qui nous est annoncé : Dieu s’est fait chair pour dire à toute chair : « Tu es le fils/la fille bien aimé(e) de Dieu, en qui il trouve toute sa joie » !
Pour le dire autrement, « tu n’es pas un mouton qui suit le troupeau en allant où d’autre veulent que tu ailles ; tu n’es pas un esclave moderne qui, comme le dit encore le pape François, doit se laisser « traiter comme un objet » (Cf. FT N° 24) ou encore comme une simple donnée statistique ; tu n’es pas davantage un orphelin prédestiné à te débrouiller tout seul ou à désespérer.
Il est clair que la crise de la Covid 19 a réveillé dans l’esprit de beaucoup la conscience d’appartenir à une communauté humaine unique, avec des enjeux communs. Une certaine forme de fraternité universelle s’exprime par une croissance de la communication par les réseaux sociaux et par diverses formes de solidarité plus ou moins spontanée. Mais il n’a jamais été autant question de protection des frontières, de replis identitaires, y compris en Église, d’exclusion par l’argent.
La réponse de l’Évangile — que nous devrions davantage trouver le temps de méditer que le temps que nous passons devant des médias qui nous infantilise, — tient en ces quelques mots : « Tu es mon Enfant bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Tu es de ma famille et de mon sang. Tu es infiniment plus que ce que tu penses être. Tu es mon enfant en qui je reconnais un membre de ma famille. Jamais, je ne t’oublierai !
Père Rémy Crochu, curé