Chers paroissiens, je me réjouis, en vous voyant, de retrouver vos visages… Ou du moins ce qu’on peut encore en voir, dissimulés comme ils sont sous vos masques ! Nous avons tant attendu de retrouver une vie normale ! Mais voici que nous y sommes ! Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce vraiment le retour à la vie normale quand on a passé plus de deux mois dans nos espaces confinés avec des visites rendues impossibles ? Quand on a vu partir un être cher sans avoir pu aller à sa
sépulture ? Quand on a été empêché d’aller visiter une personne seule chez elle ou enfermée dans sa chambre d’hôpital ? Est-ce vraiment un retour à la normale quand on a rencontré ou qu’on craint de perdre un emploi ou son pouvoir d’achat ? Quand on a vécu confiné avec de personnes avec qui ça ne s’est pas toujours bien passé ? Et puis, est-ce vraiment un retour à la normale quand — et il faut s’en réjouir — on a vécu plusieurs semaines à un rythme différent et durant lesquelles on a pu trouver
le temps de relations plus simples, le temps de la prière personnelle ou en famille ?
Jésus ayant quitté les siens pour le Ciel, à l’Ascension, les avait lui aussi laissés dans la maison où ils s’étaient confinés dans l’attente du don de l’Esprit qui leur avait été promis. Attendaient-ils que l’orage passe pour revenir à la vie d’avant, le retour à « la vie normale » ? Nous savons que non. Dans ma méditation du récit de la Pentecôte, je voudrais méditer 3 expressions avec vous : « un violent coup de vent », « des langues comme du feu » et « chacun dans sa langue ».
La Pentecôte, bien loin d’être une marche en arrière, ouvre une étape nouvelle pour chacun des disciples. Radicalement nouvelle ! tout commence par un « violent coup de vent » qui vient secouer les murs de la maison. « Secoués », nous l’avons tous été. Le « coup de vent », loin d’un petit orage local, aura été d’une ampleur planétaire dont l’intensité n’avait jamais été atteinte depuis la seconde guerre mondiale. Chacun de nous a été secoué. L’Église elle-même : rappelons-nous cette image terrible du pape célébrant dans une basilique saint Pierre vide ouvrant sur une place du même nom, battue par une pluie torrentielle ! Et la tempête semble bien vouloir durer encore avec des épreuves qui vont continuer par réactions en chaîne. Pentecôte, c’est aujourd’hui !
Puis voici que des « langues de feu » se posent sur les apôtres. Le texte dit précisément : « Des langues qu’on aurait dit être du feu ». Comprenez bien : il s’agit de « langues » et non de « flammes ». Les apôtres vont sortir de la maison et se mettre à parler avec « une langue de feu », une parole enflammée et « enflammante ». Permettez qu’on dise : « contagieuse » !
Cette période nous a tous secoués. Certains plus que d’autres, sans doute. Faut-il le voir seulement comme une douloureuse parenthèse ou bien est-ce le Souffle de Dieu qui est passé pour secouer notre maison, secouer l’Église, secouer le monde ? Si la liturgie de Pâques n’a pas eu lieu dans nos églises, C’est sans doute que le Seigneur voulait nous faire faire l’expérience de cette « liturgie » pascale au coeur de nos maisons, au plus près de notre vie ordinaire.
Et, qui était le chef d’orchestre de cette liturgie domestique ? l’Esprit Saint ! Il nous a rappelé l’importance de la prière quotidienne et la recherche de sa place dans nos familles, dans nos journées.
Il nous a rendus attentifs aux autres, à nos voisins immédiats : je pense aux distributions d’informations, à l’impression du bulletin, aux messes télévisées. Il nous a parlé « chacun dans sa langue ». Peut-être aurons-nous enfin compris que vivre sans Dieu, c’est comme conduire une voiture avec un pneu crevé : elle continue d’avancer, c’est certain, mais elle ne nous emmènera pas bien loin. Au contraire, celui qui met Dieu dans sa vie est à la fois doux et fort ; séduisant, sans ramener à lui ; audacieux et humble ; paisible même en se sachant pécheur.
Nous avons été surpris ? Tant mieux ! Celui qui vit de l’Esprit-Saint accepte les surprises de l’Esprit.
Et, croyez-moi, il y aura des surprises dans les mois à venir ! Dans notre vie d’Église, dans notre vie paroissiale. Beaucoup de choses ne pourront plus être comme avant. Inévitablement, certains, par tempérament, verront le côté inconfortable et insécurisant de la chose. Nous, nous préférons croire, et de loin, que les signes sont là d’une Pentecôte nouvelle qui s’annonce sur l’Église.
Père Rémy CROCHU