Plusieurs d’entre vous, ces derniers temps, m’ont rappelé cette vigile Pascale que nous avons dû célébrer, en raison du couvre-feu sanitaire, à l’aurore du jour de Pâques. Souvenir d’un instant suspendu où les premières lueurs de l’aube coïncidaient avec le récit de la résurrection. Je relis avec vous Saint Matthieu : « Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder la sépulcre. » Il nous parle alors d’un ange qui renverse la pierre du tombeau, mais qui renverse surtout ce à quoi chacun des disciples se résignait, dévasté par la mort de son Maître. Les femmes venues au tombeau pleurent. Pierre et Jean restent entre doutes et foi.
Laissons-nous bouleverser par les premiers mots de l’ange de la Résurrection, une fois la pierre roulée et le tombeau ouvert : « Soyez sans crainte : vous cherchez Jésus, le crucifié ? Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait. Puis, vite, allez dire aux disciples : il est ressuscité ! »
« Soyez sans crainte ». Cette parole entre en résonance avec celle d’un autre ange, celui de l’Annonciation trente trois ans plus tôt : « Sois sans crainte, Marie ». Et ce seront les premiers mots de Jésus lorsque les deux femmes sont reparties en hâte apporter la nouvelle aux apôtres : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » Et ce sont les premiers mots de Jésus aux autres apparitions.
« Venez voir », constatez ; et ensuite « allez dire aux disciples : il est ressuscité ! » Avez-vous remarqué le changement dans le comportement des premiers témoins de la résurrection ? Avez-vous remarqué l’élan de vie que suscite cette bonne nouvelle ? Alors que les femmes viennent s’effondrer sur la porte close du tombeau, alors que les apôtres sont partis se terrer on ne sait où, alors que les disciples d’Emmaüs s’en retournent tout tristes et le pas lourd, leur rencontre avec le ressuscité provoque en chacun d’eux un élan de vie qui contraste radicalement : les femmes courent chez les disciples, Pierre et Jean courent au tombeau, les pèlerins d’Emmaüs reviennent en courant à Jérusalem. Ce même élan qui porta hier Marie à se rendre « en hâte » chez sa cousine Élisabeth pour lui annoncer la nouvelle de sa maternité.
Qu’est-ce que nous pousse, nous aussi, chaque jour ? Qu’est-ce qui nous « booster », nous redonne de l’élan ? Cers dernières semaines, une jeune femme de la paroisse témoignait avec des larmes de joie de la foi qu’elle avait retrouvé au cours du week-end du parcours Alpha. Une autre racontait avec la même émotion son expérience de présence prolongée devant le Saint Sacrement qui l’avait bouleversée et relancée dans sa prière. Un jeune s’enthousiasmait en racontant à d’autres jeunes de son expérience au contact de croyants de Mauritanie et de leur joie contagieuse au milieu de leurs épreuves quotidiennes. Une catéchumène me disait son désir de trouver sa voie depuis qu’elle avait goûté à la joie de sa fille d’être baptisée. Qu’est-ce qui nous pousse, nous aussi ? Qu’est-ce qui nous donne un élan de vie ? La vie chrétienne ne peut s’accorder avec une vie rangée, routinière, prévisible. La vie authentiquement chrétienne est incompatible avec ce qui s’éteint ou s’endort, avec ce qui propose la mort comme horizon. À l’heure où la pandémie semble n’avoir rien appris sur l’urgence de prendre soin d’une planète et d’une humanité qu’on épuise, à l’heure où l’on parle de légalisation du suicide assisté et d’euthanasie, à l’heure où les intérêts particuliers et l’individualisme de certains semblent les rendre aveugles aux besoins des autres, à commencer par les plus pauvres, à l’heure où la guerre et ses nombreuses victimes semblent vouloir se répandre, à l’heure encore où l’impunité des violents fait désespérer leurs victimes de toutes sortes, il est vital que se lèvent des hommes et des femmes capables de susciter une espérance neuve, capables de redonner l’espoir d’une aube nouvelle sur ce monde de ténèbres. Des Marie-Madeleine, des Pierre et Jean, des Paul ou Barnabé, des disciples-missionnaires à l’enthousiasme contagieux. Nous les cherchons ici dans notre paroisse ! Que la joie de Pâques nous remplisse en débordant. Et les faibles lueurs de l’aube laisseront la place au soleil de plein midi. Viens, Seigneur Jésus !
Père Rémy CROCHU
HOMELIE-DE-LA-VEILLEE-PASCALEPère Jean Michel POUPARD