Bois tout en feu

Les Chrétiens du diocèse avaient déjà connu la tragédie de l’incendie de la cathédrale de Nantes (j’étais encore un enfant), puis tout récemment de la Basilique Saint Donatien. La tragédie se répète mais cette fois à l’échelle du pays et même du monde, tant le symbole est fort. Ne serait-ce qu’au plan du trésor historique et patrimonial que représente cet édifice.

Il n’a pas échappé aux chrétiens que nous sommes la dimension symbolique de l’événement, au commencement de la Semaine Sainte où ils tournent plus particulièrement leur regard vers le « bois tout en feu » de la Croix (c’était l’hymne des laudes, un matin de cette nuit d’incendie !). La flèche qui vacille et s’effondre, le sauvetage de la relique de la Couronne d’épines du Christ, l’impuissance des lances devant ce brasier infernal, la foule qui se presse, consternée. Une vision des ténèbres du Vendredi Saint sur le mont Golgotha ! « Ce jour-là, je ferai des chefs de Juda un brasier allumé sous du bois, une torche allumée dans des gerbes » (Zacharie 12, 6). Ou encore : « Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine » (Luc 23, 48).

Et beaucoup se sont rappelés la parole du Christ en croix à Saint-François d’Assise, dans la petite église dévastée de San Damiano : « Va, et répare mon église qui, comme tu le vois, tombe en ruine ». François mit des mois à comprendre qu’il ne s’agissait pas de l’église de pierre (il entreprit aussitôt d’en restaurer une, puis deux, puis trois), mais bien de l’Église de Pierre, alors ravagée par des scandales et des abus de toute sorte.

L’histoire semble se répéter… Le remède d’hier fonctionnera-t-il aujourd’hui ? Ce fut celui d’une reconquête évangélique patiente, d’une restauration profonde, par l’amour et la prière, par la fidélité à la grâce de Dieu. Une « réparation » par une autre Ardeur, tellement plus forte que celle du feu destructeur. L’ardeur des « cœurs brûlants », comme hier les pèlerins d’Emmaüs au soir du jour de Pâques (Luc 24, 32). La « résurrection » de la Cathédrale de Paris est assurée, tôt ou tard. Mais qu’en sera-t-il des « pierres vivantes » que nous sommes ? La tragédie de ce lundi Saint sonne, dans l’Église de France, comme un puissant appel à la conversion, à un sursaut de foi en Dieu et d’amour fraternel. Serons-nous au rendez-vous de l’histoire ?

Père Rémy CROCHU

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