Croyants et Citoyens
Il n’échappe à personne que nous entrons dans une période électorale. Les évêques de France ont proposé un document à cette occasion sous le titre : « L’Espérance ne déçoit pas » (éditions Bayard, Mame, Cerf, 53 pages). L’ouvrage, destiné à éclairer le discernement des catholiques de France, est dense, nourrissant, à la hauteur de l’enjeu.
Car l’enjeu est d’autant plus grand, pour cette échéance du printemps 2022, que le climat national et même international n’est pas à l’apaisement. En particulier, « la crise du Coronavirus souligne avec brutalité les fragilités humaines et spirituelles de notre société » constatent nos évêques qui s’empressent cependant d’ajouter que cette crise souligne « aussi sa grande capacité de rebond et de créativité ». Les mots employés pour caractériser la crise actuelle demeurent forts : « violence latente », risque de fracturation », « amertume et découragement ».
Le document nous invite alors, nous chrétiens, à nous rappeler tout d’abord que nous vivons dans un modèle démocratique qui permet au peuple entier de participer au débat pour discerner « la direction à suivre », et cela en acceptant « la confrontation des aspirations et des conceptions diverses de ses membres. » Il rappelle aussi que « la grandeur d’une société est d’aider tous ses membres à respecter la vie et la dignité de tous et en particulier des plus fragiles », mais aussi de promouvoir « la justice et la paix » face à la « démesure ou l’idolâtrie du pouvoir ». Il est enfin rappelé qu’il n’appartient pas au “politique” de se mêler de tout, pas plus qu’aux citoyens de « se défausser sur l’État ou les collectivités territoriales des responsabilités qui leur reviennent en propre. »
Le document rappelle cette loi républicaine qui veut que « les religions sont tenues au respect de l’ordre public » de même que les croyants « n’ont pas à être suspectés a priori en raison de leur appartenance confessionnelle ».
Plus encore, les évêques affirment que les religions sont « une chance pour notre société en quête de sens ». Ils se posent en lanceur d’alerte sur les questions écologiques, dans le sillage de l’encyclique Laudato si qui encourage une réflexion sur la cohérence entre elles des questions touchant à la promotion de la biodiversité et à la protection des écosystèmes, mais aussi au respect de la famille et de la filiation, « la lutte contre la misère, l’habitat indigne et les conditions de vie dégradantes, le refus de tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine, y compris l’esclavage dont la pratique perdure en certains pays ». Les évêques rappellent aussi à tous et toutes que « la France n’est pas une île » et qu’elle doit consentir à une solidarité internationale effective, notamment envers l’Asie et l’Afrique, ou encore les personnes fuyant « des foyers d’extrême violence ou de grande pauvreté ».
Il est difficile de tout reprendre du contenu d’un document que je ne fais ici qu’effleurer. L’invitation essentielle que je retiens de cet ouvrage est de « sortir d’un certain fatalisme » au nom même des générations à venir qui nous demanderont des comptes si nous pensons que « après nous, le déluge » !
N’attendons pas de consignes de vote, de la part de nos évêques, qui nous appellent cependant à un discernement : dans notre écoute du programme des différents candidats, « nous devons soigneusement distinguer ce qui relève de l’impossibilité de conscience et ce qui relève d’un choix encore acceptable, même s’il ne correspond pas totalement à nos convictions ». Et ils ajoutent en conclusion : « la peur est toujours mauvaise conseillère. (La foi) nous encourage et nous oblige à un amour qui se donne de la peine » et à « une espérance qui tienne bon ». Message reçu ?
Père Rémy CROCHU