Un monde en crise
On ne peut qu’en faire le constat : nous traversons des temps qui ressemblent davantage à une tempête qu’à un simple épisode nuageux. Les derniers événements sociaux qui secouent notre pays pourraient à eux seuls suffire à le montrer. Mais nous ne pouvons oublier les crises majeures qui se développent un peu partout dans le monde.
Déjà, en 2014, souvenons-nous, le pape François avait déclaré, à la surprise générale, que « nous vivons la troisième guerre mondiale ». Et il avait fait ce terrible constat : « Il existe des systèmes économiques qui doivent faire la guerre pour survivre. Alors on fabrique et on vend des armes et ainsi les bilans des économies qui sacrifient l’homme sur l’autel de l’idole de l’argent réussissent évidemment à se rétablir. Et l’on ne pense pas aux enfants affamés dans les camps de réfugiés, on ne pense pas aux séparations forcées, on ne pense pas aux maisons détruites, on ne pense même pas aux nombreuses vies détruites. » Jusqu’à conclure : « Que de souffrance, que de destruction, que de douleur ! Aujourd’hui, chères sœurs et chers frères, s’élève de tous les lieux de la terre, de chaque peuple, de chaque cœur et des mouvements populaires, le cri de la paix : Jamais plus la guerre ! » (Au Vatican, le 28 octobre 2014). Et lors de ses vœux du 1er janvier dernier, le pape revenait sur ce thème d’un monde entré en crise profonde : « Nous vivons ces temps-ci dans un climat de méfiance qui s’enracine dans la peur de l’autre ou de l’étranger, dans l’angoisse de perdre ses propres avantages, et qui se manifeste malheureusement aussi, au niveau politique, par des attitudes de fermeture ou des nationalismes qui remettent en cause cette fraternité dont notre monde globalisé a tant besoin ».
Nous sentons confusément que quelque chose de grave est en train de se passer, une crise historique qui pourrait bien ressembler à celle qui vit la fin de civilisations prospères. Et c’est notre espérance qui est mise à l’épreuve. Faut-il pour autant céder au découragement ? Je ne le crois pas. Au nom même de l’Évangile. Le monde dans lequel Jésus est apparu et dans lequel il est mort était un monde en crise profonde : depuis plusieurs siècles déjà, la terre d’Israël n’était plus souveraine, une force étrangère, perse, puis grecque et enfin romaine s’était imposée, et les massacres de masse n’étaient pas rares.
La résurrection du Christ est venue déposer le germe d’un antidote au découragement, à l’affaiblissement de notre espérance : ce germe nouveau est en nous depuis notre baptême et c’est le propre du chrétien que de résister au désespoir et de participer de toute ses forces et de manière concrète à la lutte contre ce qui y conduit, par notre engagement au service de l’homme, spécialement des plus petits, des plus fragiles, des mal aimés, notre engagement pour un monde plus juste, plus fraternel : voilà ce qui prépare et annonce le monde nouveau qui ne manquera pas de venir.
Nous ne savons pas ce qu’il sera, ni quand, ni comment, mais nous mettons notre espérance dans l’accomplissement de cette promesse d’Isaïe : « Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » (Is 43, 19).
Père Rémy CROCHU