Confession

Dans la perspective de fêter tous les saints et en étant invité personnellement, pas moins que chaque baptisé, à me laisser interroger sur mon propre chemin de sainteté, je vous propose une « confession » publique ! Entendez : la mienne, bien sûr !

Le rassemblement Kérygma, à Lourdes ces jours-ci, nous a conduits (nous étions plus de 2600 personnes) à nous interroger sur l’urgence et l’impératif de l’évangélisation : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples » (Mt 28,19).

C’est la question de l’élan du missionnaire qui, entre autres sujets abordés, a retenu mon attention, lors d’une conférence. Le prédicateur disait à un moment, jouant sur les mots (et vous savez combien l’exercice peut me plaire !), que beaucoup de baptisés (et donc parmi eux, de prêtres) pouvaient soit vivre « sous pression », soit être « en dépression », tant le contexte actuel pouvait y pousser. En l’écoutant, je songeais à tous ceux ou celles qui, autour de nous — chrétiens ou non —, font ce qu’on appelle un « burn-out » ou se laissent gagner par une grande lassitude, une grande tristesse ou même le désespoir.

Les saints n’y ont pas échappé. Du moins peut-on penser à certains d’entre eux : Pierre, François d’Assise, Thérèse d’Avila, le curé d’Ars et tant d’autres. Ils ont connu des moments de leur vie où la confrontation aux événements a pu, sur des périodes plus ou moins longues, les déstabiliser, les chahuter intérieurement, violemment.

J’ai eu la grâce — je dis bien la grâce, et c’est le début de ma confession ! — il y a quelques années, de faire une embolie pulmonaire. J’avais reçu une nouvelle mission, j’avais accumulé de la fatigue sur la première année, je vieillissais aussi… Tout avait commencé par une pointe de côté durant un jogging, et cela avait fini à l’hôpital avec un bilan médical préoccupant. J’ai mis deux mois à retrouver le chemin de la paroisse. Et encore, avec des aménagements qui durent encore.

La grâce de cette aventure ? Prendre conscience que le pasteur de la paroisse, c’est avant tout le Christ qui continue de sillonner nos routes et les cœurs, nous « précédant », comme le dit l’Évangile. N’avait-il pas besoin de moi ? Me demandait-il de ne pas être ce pasteur que l’évêque avait envoyé ? Non, bien sûr. Mais il fallait que je découvre que ce n’était pas sur mes succès que comptait la paroisse — des succès toujours très relatifs ! — mais sur la grande fécondité de Dieu accordée à la communauté paroissiale, à travers le charisme ou le ministère de chacun mis au service de tous. Cette embolie aura été pour moi une thérapie. Même s’il me faut reconnaître — confesser ! — que je ne suis pas tout à fait guéri ! La tentation demeure en effet de nourrir un certain orgueil dans les succès, autant qu’une certaine culpabilité dans les échecs, laquelle n’est pas moins une forme d’orgueil, quoi que plus subtile.

J’en réalise souvent l’impasse, me laissant davantage du côté du « livre des Lamentations » que du « Cantique des Cantiques » ! Le secret de la sainteté, le secret des saints, c’est de savoir passer du « sous pression » ou de la « dépression » à « l’impression » du visage du Christ en eux et à « l’expression » de la foi du témoin : « je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu », dit Saint Paul (1Co 11,23) ; « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi… », dit pour sa part saint Jean (1Jn 1,3).

On s’imagine souvent qu’évangéliser consiste à maîtriser des formules ou des techniques. Je comprends personnellement qu’il s’agit avant tout à se faire transparent à la Présence de Dieu dans les actes ordinaires de la vie. N’est-ce pas ce que fait le Christ ? N’est-ce pas ce qu’ont fait les saints, « tous les saints » ?

Père Rémy

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