L’ENTREPRISE EGLISE EMBAUCHE

La parabole des ouvriers de la dernière heure a nourri notre réflexion, ce dernier dimanche : Jésus nous a parlé de Dieu comme d’un employeur. Avouons qu’au moment où on nous parle de « réforme du code du travail », on peut penser que Dieu a de l’humour en lui opposant son propre modèle. Regardons-le plutôt.

Dans l’entreprise-Eglise, tout le monde travaille au même objectif : faire les vendanges. Et ceux qui auront touché leur salaire en fin de journée pourront se reposer et goûter au Vin nouveau de la Vigne du Seigneur.

Parlons justement de salaire : le même pour tous, à la bonne grâce du Chef du personnel. Dieu ne récompense pas ses fidèles en fonction de leurs mérites mais selon ce qui lui plait, ce qui est juste à ses yeux. Ce qui faisait dire au Prophète Isaïe dans la première lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins ». Quant à la pièce d’argent que chaque salarié reçoit, certains spécialistes estiment qu’elle équivaut pour l’époque au salaire d’une journée de travail payée au smic. Pas énorme, mais correct.

Et la justice alors ? Dans l’Entreprise-Eglise, ceux qui n’ont travaillé qu’une heure sont payés autant que ceux qui ont trimé tout le jour. Les représentants du personnel ont des raisons de se plaindre : « Les premiers n’ont-ils pas travaillé davantage que les derniers ? »

C’est là qu’intervient la « loi travail » : c’est le contrat d’embauche qui fait loi. Or le contrat que les premiers ont signé précisait « une pièce d’argent ». Un contrat, c’est un contrat ! Ca ne se discute pas puisqu’on était deux à le signer.

Ce contrat de Dieu est donc légal. Mais est-il moral ? On peut dire que la justice de Dieu n’est manifestement pas celle des hommes. J’aime dire que si Joseph s’était contenté d’être juste à la manière des hommes, il aurait répudié sa femme qu’il découvrait enceinte d’un autre que lui. Et c’est du reste ce qu’il se préparait à faire quand Dieu lui a parlé en songe et lui a inspiré ce qui est juste à sa manière divine. Dieu est bon. On parle du « Bon Dieu ». Mais cette bonté a de quoi surprendre : elle canonise les grands pécheurs repentis, et elle secoue ceux qui disent : « moi, j’ai jamais rien fait de mal ». L’apôtre Paul l’a parfaitement compris, lui qui de persécuteur, est devenu un ouvrier de la dernière heure : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2). Ne nous contentons pas d’être justes, amis, de façon trop humaine, et finalement sans la bonté que Dieu inspire. Or, ce qui est bon pour untel, nous montre Jésus lui-même, ne l’est pas nécessairement pour tel autre.

Cette semaine encore, nous étions confrontés à cela dans le cas d’une famille qui n’avait pas envoyé son enfant à un temps fort de confirmation sur un prétexte discutable. Etre juste avec cette famille, était-ce pour autant lui dire de faire comme tout le monde et donc de « passer son tour » ? Qu’aurait fait le Christ qui disait encore aujourd’hui, dans l’Evangile : « Les premiers seront derniers et les derniers seront premiers » ?

Nous ne nous pouvons pas, dans notre paroisse, dans nos familles, nous contenter d’être justes à la manière du monde. Ce dernier attend autre chose de nous. Ce qui importe en travaillant dans l’entreprise-Eglise, c’est de témoigner qu’il y a un salaire pour tous, et particulièrement pour ceux que l’évangile appelle « les derniers ». Et s’il y a dans cette paroisse des personnes qui pensent appartenir à cette catégorie, qu’elles viennent : un salaire convenable les attend. Dieu n’est pas seulement juste : il est bon. Bon pour tous. Aujourd’hui comme hier, il est le « Bon Dieu ». Et nous ? Soyons bons comme lui est bon !

Père Rémy CROCHU

 

 

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