Laisser une trace
Le petit pèlerinage du « pas du Saint » à Pierric, pour fêter Saint Guénolé sous le patronage duquel la paroisse du même nom a été placé, aura été l’invitation renouvelée à laisser nous aussi une trace de notre passage dans les temps où nous vivons. Non pas une trace pour notre gloire personnelle, mais une trace de saints, un pas de saints ! Qu’on ne m’en veuille pas de reprendre ce que j’ai pu dire alors, en faisant le lien avec l’évangile du jour (Matthieu 18, 15-20) où nous entendions Jésus nous exhorter à une double conversion… Un double pas en avant !
1) Le pas de la réconciliation. « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul ». La vie fraternelle a ses âpretés. Nous le constatons parfois amèrement dans notre vie familiale ou amicale, dans la vie professionnelle ou associative, dans la vie paroissiale même. Nous pourrions rêver d’un monde “Dunlopillo”, mais nous savons bien qu’il n’en est pas ainsi. Jésus nous invite à vivre en vérité les uns avec les autres. Or, nous expérimentons que cela n’est pas facile quand nous sommes confrontés au péché : celui des autres et le nôtre. La solution la plus fréquemment utilisée, c’est la fuite… Mais, si le silence évite sans doute des paroles maladroites, mais il ne résout rien. Or, l’évangile nous rappelle l’objectif de la réconciliation : « gagner ton frère ». Le gagner, c’est-à-dire de l’aider à vaincre en lui ce qui le « lie sur la terre » et l’empêche d’être vraiment heureux. Souvent, cela consiste à écouter ce frère, à prendre le temps de s’écouter mutuellement en vérité. Sans succès bien souvent , je vous le concède, mais du moins aurons-nous essayé de faire un pas. Un pas de saint !
2) Le pas de la communion fraternelle. « Si deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux », dit Jésus. Et celui-ci insiste pour que nous cherchions à « nous mettre d’accord pour demander quoi que ce soit (à Dieu) ». Il s’agit de chercher à avancer non pas en tirant chacun de son côté ou à son propre avantage, mais d’avancer ensemble au même pas et dans la même direction, en consentant parfois à faire des concessions. C’est là la force d’un Saint Guénolé, vivant et marchant en communauté avec ses frères moines. « Faire communauté » n’est pas un projet théorique : c’est, tout comme avec la prière, un moyen excellent de faire ce qui plait à Dieu « plutôt qu’aux hommes ». C’est le sens profond de ce qu’on appelle « le recherche du bien commun » ou « de l’intérêt général ». C’est le sens profond de la synodalité dont le pape François nous parle et qu’il veut que nous vivions en Église. C’est avancer d’un même pas (syn-odos)… Un pas de saints !
En paroisse, nous avons le devoir de grandir dans ces deux directions de la réconciliation et de la communion. Elles n’en font qu’une, en vérité. Nous en passer nous condamnerait à une vie fraternelle en surface, à une petite vie tranquille sans véritable fécondité, sans rayonnement. Or, les deux « pas en avant » proposés par Jésus, aussi exigeants soient-ils, seront bénis dans les cieux : « tout ce que vous aurez lié sur la terre (les pas de communion) sera lié dans le ciel ; et tout ce que vous aurez délié sur la terre (les pas de réconciliation) sera délié dans le ciel ». Qu’il en soit ainsi ! Peut-être qu’alors nous laisserons aux générations à venir notre propre trace dans le rocher de la vie paroissiale !
Père Rémy