Porter de bons fruits
L’Église de France traverse ces derniers temps des turbulences qui nous interrogent et nous déstabilisent. Cependant, ce n’est pas nouveau. La Bible ne cache pas de nombreuses histoires douloureuses, pas moins que l’Évangile au sujet des apôtres ou des premiers chrétiens. Aussi, nous ne devrions pas craindre que soient révélées les nôtres. Le travail courageux de clarification dans lequel se lance l’Église est une bonne chose : rapport Sauvé sur les abus sexuels dans le clergé ou les maisons religieuses, ou révélations sur les dysfonctionnements internes de certaines communautés ou diocèses. Certes, il peut sembler que le ciel s’assombrisse. Je ne le crois pas. Mais il est vrai que, dans ce climat maussade, nous perdons cette naïveté qui nous aurait pu laisser croire jusque-là que tout allait pour le mieux. Et alors ? Ce qui est a toujours été. La Bible mais aussi toute l’histoire de l’Église le montrent.
J’ai été sensible aux mots d’un évêque (Mgr François Touvet, évêque de Châlons-en-Champagne) qui peut nous aider à « tirer parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais », comme le dit Saint Paul (Eph 5, 16), dans une interview parue dans le journal « La Vie », il y a quelques jours, au sujet de la dissolution de la Communauté du Verbe de Vie.
« Reconnaissons ensemble les bons fruits, mais apprenons aussi à voir les mauvais. (C’est) le pas nécessaire pour entrer dans une démarche de guérison. »
« Tout dépend de ce que l’on appelle un fruit, et qui est capable de reconnaître que c’est un bon ou un mauvais fruit… Si on en reste au premier regard, très spontané, on peut se tromper.
« Il faut le dire : le nombre n’est pas un critère. Il peut, certes, y avoir du nombre et de bons fruits ! Mais je vois parfois comparer le nombre d’enfants au caté ou de catéchumènes, la quantité de projets, et ce n’est pas à cela que l’on peut dire si une communauté ou une paroisse fonctionne bien. »
Le tout est que, dans les réalités humaines que l’on accompagne, l’œuvre soit celle de Dieu, pas nos propres projections, en fonction de désirs ou de ce dont nous rêvons à l’échelle de la société en nous servant du religieux pour y parvenir. La question est : où est l’œuvre de Dieu ?
« Ces derniers temps, des prises de position laissent entendre que nous serions dans une sorte de guerre les uns contre les autres, de règlements de comptes, entre évêques, entre clercs et fidèles, avec le pape… à l’image du monde, où l’on assiste à des effondrements et à une montée de la violence. Pourtant, c’est dans ce monde-là qu’il nous faut faire rayonner notre charité. « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps » (Vatican II, constitution pastorale Gaudium et Spes, 1965), sont partagés par l’Église. »
« Je crois au mystère de la Croix et à sa fécondité. Nous portons la croix, les uns avec les autres, et Jésus porte la croix avec nous. Il y a une vraie douleur et une vraie mort dans ce que vivent actuellement les membres du Verbe de Vie et leurs amis, dans ce que je vis moi-même avec eux. Mais la Croix est déjà l’arbre de vie. »
Nous pouvons prier sur cet arrière-fond pour l’arbre de notre paroisse pour qu’il porte de bons et beaux fruits.
« Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l’espoir. Il ne redoute pas une année de sécheresse, car elle ne l’empêche pas de porter du fruit » (Jr 17, 7-8).
Père Rémy CROCHU