Lueurs d’une aube nouvelle

Ce matin, la vie un long instant suspendue, a repris son cours. Lentement, prudemment. Comme la nuit fait peu à peu place au jour. Comme l’enfant ouvre les yeux et s’arrache au sommeil. « Un jour nouveau commence… » (hymne du bréviaire). Nous verrons d’autres nuits. C’est le cycle de la vie ! Mais, goûtons pour l’instant cette « aube nouvelle » qui se lève, timidement encore, sur un monde qui n’y croit pas encore.

Le réveil n’est pas des plus doux, il faut le dire. Et nos premiers pas « dehors » ont la saveur d’un lendemain de guerre : les traces de son passage sont encore là et la paix pas encore vraiment acquise. L’ennemi s’est replié, mais a-t-il dit son dernier mot ? Rien n’est moins certain. Et l’on craint qu’il réapparaisse pour frapper encore, frapper encore plus fort. Qui sait ?

« Un jour nouveau commence, un jour reçu de toi, Père. Nous l’avons remis d’avance en tes mains tel qu’il sera. » Cette hymne du matin, que nous chantons à l’office au « temps ordinaire », n’est pas moins extraordinaire si je comprends qu’elle m’invite à entrer dans le regard de Dieu. Dans la volonté de Dieu. À regarder à partir de Dieu et le moins possible à partir de moi.

Un jour nouveau commence sur la terre. Un cadeau, quand on y songe ! La « nuit » que nous avons connue aurait pu finir en cauchemar — et c’est sans doute comme cela que les victimes de la pandémie l’ont vécu. Chaque nouveau jour est un don de Dieu, un don pour lequel nous devons nous montrer reconnaissants. Infiniment. Et dignes de le recevoir.

Sans doute la « nuit » a-t-elle pu paraître douce à certains, jeunes ou moins jeunes, qui vont devoir reprendre la route après des semaines à l’abri de la chaleur du foyer.

Quoi qu’il en soit, nous entrons dans un « jour d’après » qui ne peut être la répétition du « jour d’avant ». Dans notre sommeil, le Seigneur nous a-t-il parlé ? Je devrais dire : l’avons-nous laissé nous parler et enseigner ce qu’il « veut » nous dire ?

« J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ; qu’ils ne reviennent jamais à leur folie ! » (Psaume 84, 9) Oh, la sagesse des psaumes ! C’est à ce monde de fous que le Seigneur s’est adressé aujourd’hui, comme il le fit autrefois avec Ninive par la voix du prophète Jonas.

La vie, une vie plus ordinaire va reprendre, c’est certain et c’est même à espérer. Déjà, les magasins rouvrent leurs portes, les routes rugissent à nouveau, et nos églises vont bientôt se remplir. Mais ce temps de Pâques, dans lequel nous sommes, pousse sans cesse le croyant à chercher à le vivre dans les lueurs de l’aube de la résurrection. « La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière », dit Saint Paul (Romains 13, 12), qui en connaissait un rayon en matière de « nuits » !

Quand nous allons nous revoir, toi mon frère, toi ma sœur, tu auras changé. Tu trouveras toi aussi que j’ai changé. Et plaise à Dieu que brille un peu plus sur nos visages la lumière de Pâques, la lumière du Seigneur de la paix. La lumière d’une aube nouvelle.

Père Rémy CROCHU

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