GILETS JAUNES ET ANE GRIS

Nous sommes tous marqués par la vague de colère qui déferle depuis plusieurs semaines sur notre pays. Aussi, j’emprunte quelques lignes à mon confrère et voisin, le père Patrice Éon, en cette période de préparation à la fête de Noël désormais imminente.

« Je me pose une question : ne pourrait-on pas lire la crise de société manifestée par le mouvement des “Gilets jaunes”, à l’aune de la réalité familiale ? N’y aurait-il pas une réflexion à mener sur la place centrale de la vie quotidienne des familles — et je dis bien la vie quotidienne, pas simplement la famille abstraite comme valeur à protéger ou variable économique — dans un projet de société à rebâtir ensemble ? (…) Il me semble que ce qui est resté invisible aux yeux de nos gouvernements successifs, c’est la vie quotidienne des familles, et tout spécialement des familles de cette France “périphérique” dont nos communes rurales font partie. ». Et, le père Éon pointe alors du doigt la logique individualiste du système néo-libéral, entretenue par des élites nationales coupées depuis des années de « la réalité quotidienne des familles “ordinaires” », qui génère et même accroît les inégalités entre riches et pauvres. Mais il ajoute que, bien au-delà du problème du pouvoir d’achat des foyers français, la préoccupation des français est « celle de l’avenir et de la vie quotidienne de nos familles ».

Je relie personnellement ce constat au « coup de gueule de monseigneur Jacques Noyer, évêque émérite d’Amiens (2 décembre dernier) qui considère que notre pays sombre dans la folie des « pauvres riches » qui se disent « obligés de quitter le pays parce qu’on les gruge » et la folie des « pauvres pauvres » qui craignent pour leur budget cadeaux et qui souvent ne savent plus « ouvrir leur porte à moins riches qu’eux. » Un pays entier est tombé sur la tête. Avec nostalgie, l’évêque se remémore les Noëls de son enfance où l’on savait se contenter de peu, mais où « les pauvres se sentaient riches du toit sur leur tête, du repas amélioré de leurs assiettes, de la buche supplémentaire qui chauffait la maison et surtout de la chance d’avoir un papa, une maman, des frères et des sœurs qui s’aimaient. (…) Et on prenait conscience qu’il y avait plus pauvre que nous, des ouvriers sans travail, des enfants sans papa, des familles sans maisons. »

Ne nous trompons pas de combat. « Un problème de logement, une naissance dans un endroit bien précaire, une situation politique à haut risque qui oblige à émigrer ? Le premier Noël du monde n’a pas été de tout repos pour la sainte famille ! Mais entre Marie Joseph et Jésus, quelle qualité d’amour ! Un amour puisé dans le cœur du Père, source de toute fraternité » (Père Éon).

Comment ne pas nous souhaiter alors à tous et toutes de célébrer une fête de Noël en famille, en paroisse, où l’enfant de la crèche n’ait pas à rougir de nous et où l’Emmanuel se sente vraiment chez lui ?

Père Rémy CROCHU

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