« Maintenant et pour les siècles des siècles »

« T’as de la veine ! » Allez dire cela à quelqu’un qui traverse l’épreuve du chômage longue durée, d’une maladie comme le cancer ou la sclérose en plaques ! C’est pourtant le culot qui anime l’auteur d’un petit livre audacieux du philosophe chrétien Fabrice Hadjadj « L’aubaine d’être né en ce temps ». Rien que le titre suffit.

Mais ce livre, issu d’une conférence donnée en 2014, veut nous convaincre, nous chrétiens, de l’aubaine d’appartenir à ce temps, de vivre aujourd’hui, puisque c’est le temps dans lequel Dieu nous a donné de vivre ! « La foi en Dieu implique la foi en l’aubaine d’être né dans un tel siècle et au milieu d’une telle perdition. Elle commande une espérance qui dépasse toute nostalgie et toute utopie. Nous sommes là, c’est donc que le Créateur nous veut là. »

On a beaucoup parlé (trop ?) de l’urgence de l’annonce de l’Évangile dans le monde moderne qui semble tourner le dos à la proposition chrétienne de la foi et se contenter d’un monde « désenchanté », où ce qui compte en définitive c’est la recherche de plaisirs immédiats pour « tuer le temps ».

Pour cela, Fabrice Hadjadj invite à une « conversion missionnaire » qui consiste à « sortir de soi-même pour se laisser provoquer par les signes des temps ». La formule peut faire peur. Il s’agit pourtant de l’invitation à « se tourner vers Jésus » (et non se contenter d’être membre d’un club de sympathisants !), et se laisser renouveler dès aujourd’hui dans l’Espérance « qui s’ancre dans la foi en l’Avenir éternel », ce qui change radicalement notre manière de regarder le monde et les événements présents. L’écrivain appelle cela « l’apostolat de l’apocalypse » (le sous-titre de son livre !). « Il faut tenir notre poste et être certains que nous ne pouvions pas mieux tomber. »

L’évangile de Cana, reçu au commencement de ce « temps ordinaire » de la liturgie, nous a redit cela à sa manière. : « Changer l’eau de la vie ordinaire en vin de la vie éternelle ». C’est l’œuvre essentielle en nous de l’Esprit.

Deux grands dangers nous guettent en permanence. La tentation d’idéaliser le passé, en se disant qu’on devrait revenir à « comme avant » et croire qu’ainsi « tout irait bien mieux ». La tentation d’exalter l’avenir, en s’imaginant qu’après le chaos par lequel « il va bien falloir passer », un nouveau monde va émerger.

L’espérance chrétienne ne s’enracine ni dans le passé révolu, ni dans un futur incertain, mais bien dans le présent, l’éternel présent d’un jour qui a connu son aube nouvelle à la résurrection et qui se lève dans le cœur de chaque baptisé. Le présent de Dieu transforme une vie comme l’eau changée en vin. C’est tout le travail de l’Esprit Saint qui nous fait vivre dès aujourd’hui d’une joie et d’une charité nouvelles. C’est aussi le travail de l’Esprit Saint qui nous fait déployer les dons et charismes dont Dieu nous fait grâce pour notre bien et celui de ceux dont nous avons la charge. Le présent, CE présent, est une aubaine !

Plus que jamais, demandons au Seigneur, dans notre présent personnel et universel, de changer l’eau de notre vie ordinaire en vin de la vie éternelle !

Père Rémy CROCHU

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