Le commandement de l’amour nous est une fois de plus rappelé. « Aimez-vous les uns les autres ». Jésus semble, en le donnant en testament à ses apôtres, ne rien apporter de neuf, en vérité. Ce commandement n’est-il pas déjà présent au livre du Lévitique (Ch 19) : « Tu aimeras ton prochain » ? Mais ce rappel du commandement de l’amour fraternel s’accompagne d’un “comme” si souvent oublié dans notre citation. « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Dans les autres évangiles, ce commandement est aussi assorti d’un “comme” : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Mais nous voyons bien que les deux “comme” ne s’équivalent pas puisque que Saint Jean, dans l’évangile d’aujourd’hui, ne dit pas « comme toi-même » mais « comme le Christ nous a aimés ». Il donne alors la vraie dimension de l’amour fraternel : aimer en cherchant à accorder notre amour à celui du Christ.
Si nous regardons comment Jésus nous a aimés, on peut établir en lui quatre dimensions constitutives de l’amour évangélique, absolument indissociables.
1) L’amour désir. Jésus est un homme de désir : « J’ai désiré ardemment partager cette pâque avec vous avant de souffrir… » (Luc 22, 15). Et c’est ce désir qui rend capable, nous enseigne-t-il, à braver tous les obstacles, même les plus infranchissables. Le désir et donc l’élan de l’amour.
2) L’amour exigence. Le mot n’a pas bonne presse mais il faut reconnaître à Jésus d’avoir accompli sa mission avec un sens aigu du devoir de l’accomplir jusqu’au bout, en fidélité à « celui qui l’a envoyé ». La bible et Jésus parlent de “commandement” de l’amour. Il s’agit cependant moins d’une contrainte que de l’expression de la reconnaissance à l’égard de Dieu : « Que ferais je pour le Seigneur, en retour de toutes ses bontés envers moi ? ».
3) L’amour don. Jésus est celui qui s’offre. Totalement et sans cesse. Jusqu’à la mort. Il nous témoigne ainsi qu’il n’y a pas de limites à l’amour et qu’on ne peut vraiment aimer si l’on aime que sur rendez-vous ou sous conditions !
4) L’amour dépendance. L’évangile nous montre un Jésus que rien ne parvient à extraire, ne serait-ce qu’un instant, de sa relation au Père. Pas même au cœur des foules. Tout est pour lui cause d’action de grâce ou d’intercession. Il est uni à Dieu, dépendant de lui, sans pour autant lui être asservi.
Ainsi, l’amour de Jésus, ainsi l’amour dont il veut que nous nous aimions. « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mais le “comme” de l’Evangile n’est pas seulement une invitation à “imiter” le Christ, à faire “comme” lui. Il s’agit aussi d’un “comme” d’identification : « Tu m’aimes, Seigneur, et c’est ton amour qui, en moi, me donne la force d’aimer au point même de te ressembler. Je ne saurais aimer sans toi, sans ton Esprit d’amour en moi ». Il s’agit de laisser agir en nous l’amour passionné et exigeant du Christ, d’aimer de l’amour désintéressé et dépendant du Christ, par-delà notre faiblesse humaine. Sans Lui, aucun homme ne serait capable de donner sa vie à son conjoint ou à l’Église sans renoncer à ce don aux heures d’épreuve ; Sans Lui, aucun martyr ne ferait face ; sans Lui, personne n’accorderait son pardon à qui le blesse.
A l’inverse, armés de l’amour de Dieu, tout devient possible. Et c’est ce qui fait le signe de reconnaissance du chrétien : « A ceci on reconnaîtra que vous êtes mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». Et on se plairait à ajouter : un amour fraternel dans lequel se donne à voir en transparence l’amour invisible de Dieu. Plaise à Dieu qu’il en soit davantage ainsi dans nos familles, dans nos communautés.
Père Rémy CROCHU
Père Jean Michel POUPARD