Chers amis, voici qu’au cœur de la nuit, nous célébrons la Pâque du Seigneur, sa victoire sur la mort. Le monde des croyants, chaviré par l’agonie de Jésus bafoué, humilié, rejeté, bascule ce soir dans les premiers signes de son jour glorieux : « le disciple qui était arrivé le premier au tombeau entra : il vit, et il crut ». Et l’hymne de Pâques chante la foi des premiers chrétiens : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il nous précède en Galilée. »
On ne dira jamais assez combien la joie de Pâques nous dépasse, dépasse toutes les joies terrestres. Il ne s’agit pas — comme peuvent le penser certains — d’une sorte de retour des beaux jours. Un peu comme lorsque, chaque année, le printemps revient. Dans la Résurrection, la Nouveauté est telle que Marie-Madeleine peine à croire et que les apôtres resteront hésitants pendant de longues heures. Lazare était bien sorti vivant de son tombeau, quelques semaines plus tôt. Mais, pour lui, il s’agissait seulement (!) d’un retour à la vie. Pour Jésus, il n’en est pas ainsi. Celui que voient les premiers témoins est à la fois le même (ils le reconnaissent et ils peuvent même le toucher), et en même temps tout à fait autre, jusqu’à pouvoir marcher avec lui pendant des heures sans le reconnaître (comme le feront les deux disciples en chemin vers Emmaüs).
Une image peut nous parler pour comprendre. Lorsqu’on a pris froid en marchant dans une nuit glaciale et qu’on arrive enfin à la maison, il faut un certain temps auprès d’une bonne flambée pour que nos muscles se réchauffent. S’agissant de la Résurrection du Christ, c’est comme si notre vie présente n’avait jamais connu que le froid, jamais fait l’expérience de la douce chaleur du feu !
Notre monde a froid, les amis. Ce froid, c’est ce qu’endurent des personnes qui vivent dans la rue dans l’indifférence des hommes. Ce froid, c’est celui que jettent sur des centaines de milliers d’ukrainiens ceux qui les couvrent de bombes et les affament. Ce froid, c’est celui que nous jetons nous-mêmes sur ceux que nous blessons, que nous méprisons, que nous excluons. Ce froid, c’est celui dont nous nous satisfaisons nous-mêmes dans notre petite vie tranquille. Ce froid, c’est celui que ressentent tous ceux qui souffrent ou qui s’approchent de la mort et en tremblent. Notre monde a froid comme est froid le cadavre d’un homme reposant au tombeau.
Nous pouvons rester là à regarder ce spectacle tragique… Et, c’est bien ce que venait faire du reste celles qui étaient revenus prier devant le sépulcre du Christ. Que cherchaient-elles ? Rien d’autre qu’un cadavre sur lequel jeter leurs dernières larmes. Elles y seraient encore, si le Feu n’était pas Lui-même venu à leur rencontre. On ne choisit pas tant la Vie ressuscitée qu’elle se propose à nous, sans pourtant s’imposer. Un homme de nos paroisses revient en ce moment à la Vie. Pas sa vie d’avant, mais une Vie nouvelle. Il a connu toutes les tentations qu’on puisse connaître : l’alcool, la drogue, le sexe, le vol, des pratiques ésotériques, la violence. Et, soudain, au bout de ses larmes, au bout de lui-même, la lumière du Christ est venue réchauffer ce qui était froid en lui. Une église ouverte, une main tendue, et cela a suffi pour qu’il décide de renoncer à tout ce qui le détruisait, à mourir à son péché (Cf. Rm 6). Le chemin sera long sans doute, mais il a vu la lumière au bout du chemin, et cela change tout pour lui. De la Résurrection, nous n’avons pas la moindre preuve tangible ; et le « tombeau vide » ne constitue pas en soi une preuve mais seulement un signe. Puissions-nous, chers amis, « rechercher les réalités d’en haut » et être à l’affût des signes que le Ressuscité ne cesse de jeter sur nos routes humaines. Puissions-nous aussi être les uns pour les autres, et là où nous sommes, les instruments que Dieu choisit pour réchauffer ce monde à l’agonie. Joyeuse fête de Pâques à tous !
Père Rémy CROCHU
Peut-être l’avez-vous déjà observé :
Quand les quatre évangélistes (Mt,Mc,Lc et Jn) parlent de la Résurrection de Jésus, tous ils soulignent que cela se passe “Après le Sabbat, le premier jour de la semaine” au moment où la lumière commence à poindre. Or, nous pouvons en être sûrs : ce n’est certainement pas seulement par souci d’être précis dans les détails (Comme le ferait par ex…, un journaliste soucieux d’objectivité), mais c’est bien davantage d’une façon symbolique et théologique pour signifier qu’avec la Résurrection nous assistons à un nouveau commencement ou, si vous préférez, à “Une nouvelle Création du monde”. (En somme, à un premier jour).
En effet, si nous comparons le premier jour de la Création dans la Bible avec le jour de la Résurrection, nous pouvons remarquer que l’un et l’autre nous renvoient à la Lumière… Jugez-en plutôt : “Au premier jour de la création, Dieu dit : ‘Que la Lumière soit, et la Lumière fut”, et à l’instant nous venons d’entendre : ”De grand matin, le premier jour de la semaine ” (c’est vraiment un début) ou encore, il était dit : ”Elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc” (le blanc ne fait-il pas penser à la lumière ?)… Oui, la Résurrection, c’est vraiment le jour de la Lumière, le moment par lequel tout commence. Mais, sur la lancée et, je crois, pour mieux saisir combien cela rejoint particulièrement notre époque, il me semble important de souligner que ce jour de la Lumière arrive seulement le 3ème jour après les épaisses ténèbres du Vendredi-Saint.
Or, s’il est vrai que le pontificat actuel de notre Pape, François, apparaît comme porteur d’Espérance et de lumière pour beaucoup, à commencer par les plus petits de ce monde, il faut bien reconnaître qu’il n’en subsistent pas moins d’épaisses ténèbres pour l’Église, au moins dans nos pays d’Europe : quand la pratique religieuse (surtout chez les jeunes) ne cesse de s’amenuiser ou que le manque de vocations se fait cruellement ressentir. Et les médias pour beaucoup ne se privent vraiment pas d’en pronostiquer déjà la disparition prochaine… Au demeurant, je n’ai d’ailleurs aucun mal à imaginer que si les médias que l’on connaît avaient existé au moment de la passion et de la mort de Jésus, ils n’auraient certainement pas donné bien cher de l’avenir du Christianisme, tellement tout semblait alors en sa défaveur à ce moment précis…
Et de fait, si la foi chrétienne n’était pas d’origine divine, il y a longtemps qu’on n’en parlerait plus… Quel autre genre d’entreprise, en effet, aurait pu si mal commencer et s’en relever ? Dans le même sens s’il est vrai qu’aujourd’hui, l’Église d’Europe donne des signes de fatigue, en même temps, dans l’ensemble du monde le nombre des chrétiens et des vocations ne cessent pourtant d’augmenter; et même en France et dans nos diocèses, sans faire de bruit, chaque année un nombre grandissant d’adultes demandent le Baptême, tandis que se font de plus en plus nombreuses les propositions d’évangélisation (dont entre autre le “Parcours Alpha”,et bien d’autres moyens d’évangéliser qui se font jour efficacement ici ou là sans forcément faire beaucoup de bruit) sans parler de ces cœurs plus nombreux qu’on ne croit qui se voient touchés tout-à-coup devant le Saint-Sacrement ou par une Parole d’Évangile, à moins que ce ne soit par un geste discret d’amitié encourageant.
C’est dire que, si avec la Résurrection de Jésus, il y a 2000 ans, nous étions mis en présence d’un nouveau commencement (et même d’une Nouvelle Création), je crois que nous n’avons pas plus de raisons d’en douter aujourd’hui… Au matin de Pâques et, même après les premières apparitions de Jésus-Ressuscité (au moins pour un observateur extérieur), les indices d’une relancée très active du Message de Jésus devaient sembler particulièrement fragiles… Alors que 2000 ans après, ça tient pourtant toujours… Aussi, vous comprendrez qu’en plus de l’attitude prometteuse de notre pape, François, j’ose rappeler ce que disait déjà Jean-Paul II, il y a déjà plus de 40 ans :
”N’ayez pas peur ! Ouvrez grandes vos portes au Rédempteur”. Non, n’ayez pas peur !
Et de fait, si nous en prenions bien conscience, pourquoi aurions-nous encore peur, car si le Christ est vraiment ressuscité, comme nous l’ont transmis ceux qui ont été martyrisés pour l’avoir proclamé, et s’il est vrai qu’Il nous précède maintenant sur toutes les routes de nos « Galilée » (aussi périlleuses et difficiles soient-elles et quand tant de choses semblent si mal aller sur notre terre : attentats, persécutions,
guerres, guérillas, enlèvements, mécontentements de toutes sortes etc…), ce n’est pourtant pas encore aujourd’hui, ni demain qu’il va cesser d’être à nos côtés pour nous réconforter et nous encourager dans tout ce qui peut être porteur de vie, d’amour et de joie profonde.
Non, vraiment n’ayons pas peur ! Le Seigneur est ressuscité et il nous précède sur toutes nos routes humaines aussi rudes soient-elles !
Amen ! Alleluia !
© 2022 Père Jean-Michel POUPARD