Voici que nous entrons aujourd’hui dans les 3 jours de la passion du Seigneur et nous sommes invités à le suivre pas à pas dans l’épreuve de la croix et de la mort, dans l’offrande de sa vie, dans son chemin le conduisant à la Résurrection. Notre évêque, Monseigneur Percerou, nous a spécialement adressé une lettre, à nous les prêtres, ses collaborateurs dans le sacerdoce, à l’occasion de ce jeudi Saint. Il nous a rappelé (et vous l’apprenez sans doute) que (je le cite) « dans notre diocèse s’ouvrira le 8 mai prochain une année de l’Appel. » Aussi, notre évêque nous suggérait de « nous laisser interpeller par la question que Dieu pose, dans le Livre d’Isaïe, à celui qui deviendra son messager, son prophète : “Qui enverrai-je ?” (Is 6, 8). » Alors que nous méditons autour du dernier repas du Seigneur, je voudrais repartir ce soir de 3 interpellations que nous adresse le pasteur de notre diocèse :
« Qui enverrai-je pour rassembler mon Peuple ? Qui enverrai-je pour le nourrir de la vie de mon Fils ressuscité ? Qui enverrai-je comme disciple-missionnaire aux périphéries de ce monde ? ». Je vous livre très humblement, le fruit de ma méditation autour de ces trois questions.
1) Qui enverrai-je pour rassembler mon Peuple ?
La tradition veut que soit célébrée le jeudi Saint la fête du sacerdoce. C’est le jour où vos pasteurs sont invités à faire mémoire du don que Dieu leur a fait d’être pour toujours configurés au Christ Bon Pasteur, Lui qui donne sa vie pour ses brebis. Demandez à vos prêtres d’être ce qu’ils sont. Et ne vous attardez pas sur des qualités qu’ils n’ont pas et qu’on ne peut du reste exiger de leur sacerdoce. On peut se réjouir s’ils ont le sens des affaires, de l’organisation (du “management”, dit-on aujourd’hui), s’ils ont de la conversation, des talents d’orateur, de l’expérience, etc. Mais, ce qui compte au-dessus de tout, c’est de voir ou d’encourager en eux des frères qui prient (ce qui s’appelle prier) et qui aiment leurs frères. De les aider en même temps à être ce qu’ils sont : c’est-à-dire des figures pour aujourd’hui du Christ allant comme Lui à la rencontre des hommes, des pasteurs faisant et rassemblant des disciples, des hommes courageux payant de leur personne jusqu’à la croix, des êtres sensibles à nos joies comme à nos maux ou nos peines, des hommes fidèles et bons. Prions pour que lèvent parmi-nous de nouvelles vocations de prêtres, de saints prêtres.
2) Qui enverrai-je pour nourrir mon Peuple de la vie de mon Fils ressuscité ?
Le Seigneur s’est ému, nous rapporte l’Évangile, quand il a vu des foules affamées se réunir autour de lui. Ne nous décourageons pas devant un monde qui semble se détourner de la Bonne Nouvelle et qui n’entre plus dans nos églises. Nous avons mieux à faire que gémir et désespérer… Ne sous-estimons pas de la fécondité d’une vie chrétienne humble et fidèle, remplie d’actes de foi, d’espérance et de charité. Ne sous-estimons pas non plus un petit témoignage qui, par la grâce de Dieu, va porter son fruit, parfois des années plus tard. Par-dessus tout, nous devons croire que ce qui porte du fruit ne dépend pas de nos talents mais de la seule grâce de Dieu qui agit dans notre faiblesse.
3) Qui enverrai-je comme disciple-missionnaire aux périphéries de ce monde ?
Nous sommes trop préoccupés par la bonne marche de notre petite famille, de notre petite paroisse, de notre petit groupe d’appartenance, de notre clocher. Nous nous trompons de combat, les amis, quand nous nous préoccupons trop de savoir qui devrait faire ceci ou comment il aurait dû le faire, quand nous nous désolons de voir qu’on ne fait plus « comme avant », quand nous rêvons avec nostalgie d’un passé idéalisé où tout était « tellement mieux avant ». Nous nous trompons de combat et, pire encore, nous passons à côté de l’élan missionnaire auquel ne cesse de nous appeler le Christ : « de toutes les nations, faites des disciples » ! Jésus le rappelle aujourd’hui aux apôtres en leur lavant les pieds : « (en faisant cela), je vous ai donné l’exemple afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Nous laver les pieds mutuellement, c’est-à-dire prendre la place de celui qui sert ses frères, plutôt qu’agir par orgueil, par envie, par jalousie, voire ne rien faire du tout sinon que pour soi-même ou pour son clan. Une petite question posée à chacun de nous : à quand remonte ton dernier échange sur la foi avec une personne non chrétienne ? À quand remonte ton dialogue de croyants avec une personne d’une autre religion ?
« Qu’en célébrant l’Institution de l’Eucharistie — conclut notre évêque — nous portions tous cette interpellation du Seigneur : “qui enverrai-je” et que nous nous réjouissions de ceux qui ont répondu, répondent et répondront : “Me voici, envoie-moi !” Et, pour conclure, j’emprunte enfin ses propres mots : « Soyez assurés de la confiance, de l’estime, de la prière fraternelle de vos pasteurs. »
Père Rémy CROCHU