« Si ton frère a commis un péché contre toi… » Mt 18, 15-20
Le thème central de cet évangile est celui de la réconciliation entre les frères. Autrement appelé la « correction fraternelle ». C’est un sujet délicat. Il y a deux types de personnes : celles qui pensent à ce qu’il faut dire et celles qui pensent à la manière de le dire. Ce sont rarement les mêmes ! Et les blessures viennent souvent de là : soit de celui qui fait un reproche sans mettre les formes, soit de celui qui met tellement les formes qu’il n’ose pas dire franchement. Voyez dans quelle catégorie vous vous reconnaissez !
Car les fautes chez les autres, nous les voyons tous, bien mieux que les nôtres. Et vouloir les corriger nous tente, tout en nous souvenant que les défauts ne sont pas seulement chez les autres ! C’est la paille et la poutre dont Jésus parle ailleurs.
Cependant, Jésus nous invite à pratiquer en communauté la « correction fraternelle ». J’ai aimé un commentaire de l’évangile d’aujourd’hui que donnait le pape François, il y a quelques années : « La correction fraternelle — disait-il — est une action pour guérir le corps de l’Église. Il y a un trou, là, dans le tissu de l’Église, qu’il faut absolument recoudre. Et il faut le recoudre à la manière de nos mères et de nos grands-mères qui, lorsqu’elles reprisent un vêtement, le font avec beaucoup de délicatesse. Si tu n’es pas capable d’exercer la correction fraternelle avec amour, avec charité, dans la vérité et avec humilité, tu risques d’offenser, de détruire le cœur de cette personne, tu ne feras qu’ajouter un commérage qui blesse et tu deviendras un aveugle hypocrite, comme le dénonce Jésus. » Et il ajoutait (et vous me permettrez de le citer encore) : « Nous ne pouvons corriger une personne sans amour et sans charité. On ne peut en effet réaliser une intervention chirurgicale sans anesthésie : c’est impossible, parce que sinon le patient meurt de douleur. Et la charité représente comme une anesthésie qui aide à recevoir le traitement et accepter la correction. Il faut donc prendre notre prochain à part, avec douceur, avec amour et lui parler. » (Homélie du 12 septembre 2014).
L’évangile n’invite pas à la correction fraternelle pour « dire ses 4 vérités » à quelqu’un. Jésus parle de réconciliation pour « gagner son frère ». Voilà le but : retrouver une relation fraternelle, vivre en communion, sous le regard du Christ. Cela implique deux choses inséparables : 1) parler en vérité, et 2) parler avec amour. Le mensonge (pour le premier) et le plaisir de dire du mal ou d’ironiser (pour le second) sont deux poisons mortels pour la vie fraternelle en famille, en communauté, en paroisse.
Et, attention à ne pas « passer la main dans le dos » par devant et « cracher à la figure » par derrière ! Il y a des choses qu’on croit avoir dites en cachette et qui finissent par remonter aux oreilles du destinataire…
Quoi qu’il en soit, parce que nous ne sommes pas des anges — ni vous, ni moi — cherchons ensemble et avec détermination le chemin de la communion fraternelle, dans le Christ. Car, c’est dans cette communion que Dieu se rend présent : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
Père Rémy Crochu, curé.