« Le propriétaire du domaine enverra ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne. » (Matthieu 21).
Encore une parabole ! Et que nous enseigne Jésus, cette fois-ci ? Que personne n’est le propriétaire des dons de Dieu : nous ne sommes que ses intendants, ses vignerons… La source de tous les maux est là : l’homme qui se prend pour Dieu. C’était vrai hier pour « les prêtres et anciens du peuple » à qui Jésus s’adressait. C’est encore vrai pour l’homme moderne. Pour illustrer cela, je vous propose d’explorer ensemble 4 domaines actuels.
– Le 1er domaine est celui du rapport homme/femme. On ne peut nier que le sujet soulève aujourd’hui les passions. Et nous constatons que le lien entre lui et elle n’est fécond que dans l’amour. Or, combien de fois sommes-nous témoins de couples où l’amour est blessé par la violence des mots ou des gestes, la jalousie, l’ironie, la comparaison. Jésus nous rappelle aujourd’hui que l’homme n’est pas le maître de la femme ni les parents de leurs enfants. Et nous aurons à rendre un jour des comptes à Dieu pour toutes les fois où nous nous nous serons pris pour lui.
– Le 2ème domaine est celui du rapport à la Création. L’exhortation du pape « Laudato Si » nous l’a fortement rappelé. L’homme moderne s’est substitué à Dieu en croyant parvenir un jour à tout lui soumettre : la vie végétale ou animale, les maladies, le vieillissement et même la mort ! La pandémie du Coronavirus lui apprendra-t-elle à être plus humble et plus reconnaissant ? On peut l’espérer, si l’homme ne veut pas avoir à rendre un jour des comptes à Dieu pour toutes les fois où il se sera pris pour lui. Que Saint François, l’ami de toutes les créatures et qu’on fête aujourd’hui, nous vienne en aide.
– Le 3ème domaine concerne notre rapport à la vie humaine. L’homme ne se contente pas de prétendre dominer la création mais aussi lui-même ! Ainsi la prétention des droits de l’homme sur la vie et sur la mort. Droit qui justifierait et « l’enfant à tout prix », et « le pas d’enfant à tout prix », droit qui nous ferait regarder le semblable comme un frère et l’étranger comme une menace, droit qui nous autoriserait à abuser d’une responsabilité pour dominer. C’est bien ce raisonnement qui poussera les responsables juifs à décider de la mort de Jésus « pour le salut du peuple ». Prenons garde de ne pas avoir à rendre un jour des comptes à Dieu pour toutes les fois où nous aurons été complices de la mort du Christ en portant atteinte à notre frère.
– Le dernier domaine concerne enfin notre rapport à la foi. On ne peut méditer cet évangile sans penser à ceux qui renient le Christ en disant : « Venez, tuons-le, et nous aurons l’héritage ». Il ne s’agit pas seulement de considérer ceux qui cherchent à nuire à la liberté religieuse, mais aussi des chrétiens qui renoncent, par égoïsme ou par peur, à témoigner de la joie de l’Évangile. Ils auront à rendre un jour des comptes à Dieu pour toutes les fois où ils auront rougi de lui.
Le Seigneur nous met en garde : « Quand arrivera le temps des fruits, le propriétaire du domaine enverra ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne. » Il regardera cette paroisse et la jugera sur la fécondité de sa mission. Il regardera chacun de nous en lui demandant de « lui remettre le produit de son travail ». Qu’il nous préserve alors du couperet de cette terrible sentence : « le Royaume de Dieu vous sera enlevé ». Non, frères ! Ne nous prenons pas pour le maître de la vigne. Nous aurons un jour des comptes à lui rendre de notre bonne gestion de son domaine.
Père Rémy Crochu, curé.