« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » (Mt 21, 31)
Dans la bouche de Jésus, les “deux fils” de la parabole sont l’évocation des deux Alliances. La première (appelée “l’ancienne”), scellée par Dieu avec les fils d’Israël, au Sinaï ; la seconde (la “Nouvelle Alliance”) scellée par Dieu avec l’Église, dans le Sang du Christ. Les fils de la 1ère Alliance sont ceux qui ont dit « oui » à Dieu qui leur demandait d’être les gardiens de sa vigne. Mais ils n’ont pas su se montrer reconnaissants (rappelons-nous du “fils ainé” de l’autre parabole qui est resté à la maison avec son père, mais qui ne s’est montré ni reconnaissant envers son père, ni bienveillant vis-à-vis de son frère). Les fils de la 2de Alliance sont les nations “païennes” qui, ayant dit « non » à Dieu, se sont finalement converties au christianisme (cette fois, on les reconnaîtra facilement à travers la figure du “fils prodigue” qui revient humblement vers son père en lui disant : « je ne suis pas digne d’être appelé ton enfant »). De telle manière qu’on peut qualifier les chrétiens « d’indignes pécheurs », appelés par grâce à travailler à la Vigne du Christ, l’Église.
C’est l’une des lectures possibles de cette parabole. On imagine bien Jésus la déroulant avec, face à lui, les chefs des prêtres et les prêtres du temple. Jésus reproche aux gardiens de la foi juive de s’en être gonflés de suffisance orgueilleuse. À l’opposé de Jésus que Saint Paul décrit dans la seconde lecture comme l’humilité par excellence : « lui qui était Dieu s’est abaissé en prenant la condition humaine jusqu’à mourir sur une croix » comme un criminel.
Voici le signe par excellence par lequel on distingue un vrai disciple du Christ d’un imposteur : son humilité et son courage. Ce qui fait l’honneur d’un publicain ou d’une prostituée repentis, c’est leur humilité et leur courage. Et c’est cela que Dieu regarde et honore. C’est vraiment ce dont une paroisse a le plus besoin : de chrétiens humbles et courageux. Les autres seraient des imposteurs. Des imposteurs qui se condamnent eux-mêmes par cette forme d’orgueil qui les fait se placer au-dessus des autres, à la manière des docteurs de la loi.
Dieu, lui, ne nous traite pas ainsi et il ne cesse de croire dans notre capacité de conversion : « Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie », disait le prophète Ezéchiel tout à l’heure. L’apôtre Jacques écrira dans le même sens dans sa lettre : « Le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde ; mais la miséricorde se moque du jugement » (2, 12-13). Ce qui fait dire au pape François : « Je désire une Eglise pauvre pour les pauvres », et qui ajoute qu’il « est nécessaire que, tous, nous nous laissions évangéliser par eux » (EG 198). Ce qui me touche chez lui, le pape, ce n’est pas seulement qu’il invite à une Église plus humble, mais qu’il en vive lui-même, concrètement ! Puissions-nous, comme lui et par la grâce du Saint Esprit, entendre l’appel à la courageuse humilité du disciple du Christ qui donne sa vie. Ainsi, serons-nous capables de redonner espoir aux prostituées, aux publicains et aux autres pécheurs de ce temps, tous ceux qui attendent encore une parole de salut pour dire « oui » à leur tour et suivre le Christ doux et humble de cœur.
Rémy Crochu, curé.