« Si vous m’aimiez !… » Ces paroles de Jésus à ses apôtres, la veille de sa passion, trouvent leur écho en nous. N’avons-nous pas conscience de ne pas assez aimer celui qui a donné sa vie pour nous ? « Si vous m’aimiez !… », dit Jésus à des apôtres abattus par la gravité de leur situation. Pierre, en particulier, lequel va aller jusqu’à renier son maître, d’ici quelques heures ! Ce qui lui vaudra d’entendre le Ressuscité lui demander par trois fois — souvenons-nous : « Pierre, m’aimes-tu ? ».
« Si vous m’aimiez !… » Dimanche dernier, nous méditions le « comme » dont parle l’évangile, quelques versets plus haut : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » Aujourd’hui, Jésus ne nous parle pas du « comment » aimer mais des effets de l’amour de Dieu sur nous. Et il nous fait alors deux promesses : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». C’est la promesse de la mémoire de Lui. Et, un peu plus loin : « Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie, puisque je pars vers le Père. » C’est la promesse de la Vie éternelle. Et nous pouvons ajouter une troisième promesse de Jésus : la promesse du don de sa Paix. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ». Permettez-moi, alors de reprendre une à une ces 3 promesses faites à qui choisit d’aimer : la mémoire du passé, la paix du présent et la vie à venir.
L’amour de Dieu réveille la mémoire du passé. Celui qui se laisse habiter par l’amour de Dieu retrouve la mémoire, en quelque sorte. Sans Dieu, sans son amour en eux, les hommes sont des amnésiques ! C’est la rencontre avec le Christ, la rencontre avec ses Paroles de Vie, qui provoque en nous la mémoire de ce qu’il a fait en nous. Un peu comme un enfant devenu adulte se rappelle l’amour dont il a bénéficié et qui se dit : « j’ai eu beaucoup de chance d’avoir été aimé ainsi ». Je me rappelle l’histoire de cet homme au bord du Burn-out qui se remémore qu’étant enfant et gravement malade, ses parents l’avaient emmené au sanctuaire de Beauraing, en Belgique. Il décide, dans une opération de la dernière chance, d’y retourner. Et là, il sent monter en lui « un bonheur intense », dit-il, et se dissiper son stress, comme un nuage en été, pour accueillir le soleil en lui du Christ, « mon Libérateur, mon Sauveur ». Je me rappelle aussi de cette jeune femme que j’ai croisée dans un jardin public et qui m’avait dit, dans notre conversation improvisée, qu’elle était toute surprise de croiser la route d’un prêtre alors que, la semaine précédente et dans une profonde détresse intérieure, elle s’était sentie poussée à franchir le seuil d’une église sans trop savoir pourquoi. Si nous y prêtons attention, nous réalisons que Dieu ne cesse pas de venir à nous et de réveiller notre mémoire de ses passages dans notre vie, pas moins que dans la vie des premiers convertis de l’évangile.
L’amour de Dieu nous donne la paix aujourd’hui. Celui qui laisse l’amour de Dieu agir en lui fait alors l’expérience d’une paix nouvelle, d’un état intérieur qui éloigne les nuages de l’inquiétude, les angoisses stériles et mortifères du « j’aurais dû » ou du « il faudrait que ». « Ce n’est pas à la manière du monde que je vous donne ma paix », dit Jésus. Il veut ainsi nous faire comprendre qu’il y a une autre paix que celle à laquelle aspirent nos contemporains à la recherche d’une vie tranquille et confortable mais souvent sans amour. La paix du Christ, elle, est solide et durable, même au cœur des plus grandes épreuves.
Enfin, l’amour de Dieu nous fait joyeusement espérer la Vie à venir. Le Seigneur fait entrevoir à ceux qui l’aiment la Vie nouvelle dans laquelle Jésus va bientôt entrer (« Je pars vers le Père ») et dans laquelle il veut nous introduire. La vie ressuscitée. Saint Jean, dans la deuxième lecture nous décrit cette vie lumineuse de la Jérusalem céleste où se réunira la foule de ceux dont « les noms sont inscrits sur les 12 portes de la ville » (Cf. Ap 21).
Notez bien que l’acteur de cette triple transformation, en nous, c’est l’Esprit-Saint. Celui que Saint Jean appelle en grec « le Paraclet », ce qu’on traduit généralement par « Défenseur », « Avocat » ou encore « Consolateur ». C’est l’Esprit Saint qui, seul, peut souffler à notre oreille : « Rappelle-toi ! Dans telle ou telle situation, c’est bien le Seigneur qui t’a parlé et dont tu as vu les œuvres ». C’est l’Esprit-Saint qui nous remplit de la Paix du Christ et qui fait, par exemple, que les premiers convertis à la foi chrétienne ont retrouvé la paix quand on leur a dit qu’il n’est pas nécessaire d’être circoncis pour être sauvés (1ère lecture). Enfin, c’est l’Esprit-Saint qui fait monter en nous l’espérance de l’éternité dans le Christ et nous remplit d’une joie intense. Viens, Esprit-Saint ! Viens réveiller la mémoire de ce que tu as fait pour nous, donne-nous la paix aujourd’hui et remplis-nous de l’espérance de la Vie nouvelle ! Amen.
Père Rémy CROCHU
Père Jean Michel POUPARD