Christ Roi
« Ma royauté n’est pas de ce monde ». Je vous invite à regarder vers la croix du Christ. Chacun de nous sait qu’on y avait inscrit — les évangiles nous le rapportent — cette phrase dans les 3 langues parlées à cette époque : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». C’était en effet le motif officiel de ceux qui avaient présenté Jésus à Pilate, le gouverneur : « Il se dit être le roi des juifs. » et donc « l’ennemi de l’empereur, l’ennemi de César ». Jésus, sans autre avocat que lui-même, s’était défendu : « Ma royauté n’est pas de ce monde ». En d’autres termes : je suis bien le « Christ Roi », mais le roi d’un Royaume dont les sujets et les frontières ne sont pas en concurrence avec les royaumes « de ce monde ».
Comprenons bien. Le Royaume de Dieu n’est pas “ailleurs” et hors de ce monde ; il n’est pas non plus “au-delà” de cette vie. Comme si Dieu ne s’intéressait pas à la vie d’ici-bas, alors qu’il l’a épousée en son Fils Jésus, jusque dans la pauvreté de son incarnation à Nazareth ! Il est au contraire déjà-là, bien qu’il soit invisible aux yeux de ceux qui le cherchent ailleurs que dans les pauvres, les plus vulnérables, les innocents.
Le pape François, pour la journée mondiale des pauvres la semaine dernière, titrait ainsi sa lettre : « Les pauvres sont un sacrement du Christ ». Il voulait ainsi interpeler ce monde qui, en cette période de pandémie, fait des pauvres « les premières victimes de la crise » que nous traversons. Et, aujourd’hui, en cette journée du Secours Catholique, son aumônier national cite dans le même sens Saint Oscar Romero : « La rencontre avec les pauvres nous fait retrouver la vérité fondamentale de l’Évangile par laquelle la parole de Dieu nous pousse incessamment à la conversion ».
Regardons vers la croix du Christ. C’est un Pauvre qui s’expose à nos regards, nous invitant à le voir dans chaque pauvre de la terre. Alors que les hommes « de ce monde » ne cessent de chercher à détruire ou détricoter cet héritage inspiré par l’Évangile, plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement, en soutenant le vote de lois de mort, la logique du « chacun pour soi » ou de la compétition aveugle, l’indifférence à l’égard des situations de misère, il y a encore des gens qui entendent et répondent à l’appel à une solidarité plus grande avec toutes les personnes vivant dans la précarité. C’est bien cet appel auquel répond le Secours Catholique. C’est bien pour répondre à cet appel que se créent des jardins ou des épiceries solidaires, que se mettent en place des services d’aide alimentaire ou d’assistance aux personnes en situation de précarité énergétique. Et bien d’autres gestes solidaires, bien que largement insuffisants au regard des besoins. Car, comme le dit Jésus lui-même : « des pauvres, vous en aurez toujours. »
Le chrétien n’est pas hors de ce monde et ses contradictions. Il est confronté au meilleur comme au pire que le démon inspire. Aussi est-il plus que jamais nécessaire de demander à Dieu d’ouvrir nos yeux sur la réalité de ce monde, souvent à notre porte, pour découvrir les fragilités qui nous entourent et nous renvoient à nos propres pauvretés. Oui, le Règne de Dieu est à notre porte. Il est dans chacun de ceux qui y frappent, il est dans chaque maison où se cache une situation de détresse. Il est partout où s’allume une petite étincelle de la fraternité, d’amitié, d’espérance de vie nouvelle.
Regardons vers la croix : oui, Jésus, sois le Roi de ce monde. Fais venir ton Règne au milieu de nous !
Père Rémy CROCHU