« Les ouvriers de la 11ème heure » (Matthieu 20, 1-16)
Voici la bonne nouvelle du jour : Dieu donne du travail et il paie bien ! Et son entreprise est un vignoble où le vin est la vie du Christ proposée à tous les hommes, son Esprit-Saint offert à tous, sa grâce versée dans les cœurs assoiffés. Et pour produire ce vin nouveau, le Seigneur a besoin d’ouvriers, de vendangeurs. Au moment où notre diocèse s’apprête à accueillir son nouvel évêque, il voit en lui un ouvrier qui se prépare à remonter ses manches pour cueillir les grappes qui ont poussé au cep de la vigne de chaque paroisse. Et nous prions avec lui pour que la récolte de l’année soit bonne !
La question en débat, dans l’évangile de ce jour, est cependant celle du salaire. En cette période troublée, c’est une question importante. Nous savons que, si « tout travail mérite salaire », il y a bien des situations où le bénéfice n’est pas à la hauteur des efforts et que bien des personnes ne touchent pas une rétribution digne de ce qu’elles ont produit, alors même que scandaleusement d’autres se font grassement payer. Nous savons combien la crise sanitaire affectera, et sans doute profondément, notre économie mondiale, nationale et locale. Des emplois sont menacés et d’autres seront détruits. Pour beaucoup, la recherche d’emploi ressemble à un parcours du combattant, spécialement chez les jeunes ou ceux qui s’approchent de l’âge de la retraite. Plus que jamais, ce monde nous demande — à nous qui en avons encore les moyens — de développer une grande sollicitude envers les plus démunis, à l’image de la charité inlassable du Christ.
Mais l’évangile de ce jour nous parle d’un vigneron qui pense résolument à l’envers de la manière des hommes : dans son entreprise, Dieu ne regarde pas d’abord en fonction de ce qui est produit mais de celui qui produit. Pour Dieu, tout homme a la même valeur. Aussi, Dieu a-t-il de justes raisons de donner aux derniers venus ce qu’il a donné aux premiers. Car ils auraient dû eux-mêmes se préoccuper davantage du sort de leurs compagnons désœuvrés. Pourquoi ? Parce que ces derniers étaient au chômage du fait que personne n’était venu les embaucher. On comprend que Jésus vise ici notre tiédeur dans l’élan missionnaire, notre faible préoccupation pour l’âme de notre voisin, qui fait que des personnes que nous rencontrons vont souvent passer à côté de nous sans jamais entendre parler de l’amour du Christ pour eux. Qui par exemple va à la rencontre d’une personne nouvelle dans nos assemblées ? Qui propose sa fraternité d’évangile ou son groupe de chrétiens à des personnes de leur entourage ? Cet évangile n’est pas là pour nous dire que « les derniers seront premiers » et susciter en nous un sentiment d’injustice compréhensible, mais il nous rappelle l’urgence d’appeler à sa Vigne. Nous ne sommes pas seulement responsables en effet de notre seule conversion, mais aussi de celle de ceux que le Seigneur met sur notre route et à qui il veut donner autant qu’à nous. Ne sommes-nous pas injustes quand, nous préoccupant de notre sort, de nos intérêts devant Dieu, nous en oublions d’aider nos proches à ouvrir un compte en banque dans son cœur ? Quel mérite avons-nous d’être « tombés dans la foi » quand nous étions encore enfant quand d’autre n’ont pas eu cette grâce et parfois nous envient ? Dieu, lui, tiendra parole et il donnera à chacun ce qui lui est dû.
Père Rémy Crochu, curé.