« La loi, toute la loi, rien que la loi ». On connait tous la formule employée dans les prétoires. Or, qui ne se plaint d’être aujourd’hui noyé, jusqu’au dégoût parfois, sous les normes, les procédures, les règles de plus en plus contraignantes du droit de faire ceci ou ne pas faire cela ? Et tout y passe : les claques à la maison, la trottinette sur les trottoirs, le vapotage dans les transports publics, le téléphone dans la voiture, les jeux garçon et fille à l’école. Avec cette tendance à laisser penser que, ce qui est légal, est nécessairement moral ; la tendance à laisser penser que ce qui est permis est forcément bon.
Dans ce contexte, l’évangile d’aujourd’hui sonne curieusement. « On vous a dit de ne pas tuer, de ne pas commettre d’adultère, de ne pas répudier sa femme ou de ne pas faire de faux serments ? Eh bien ! Moi, je vous dis : « non seulement je suis d’accord, mais je serai encore plus radical » ! Je caricature, bien sûr. Car, à y regarder de plus près, on se rend vite compte que Jésus ne dit pas « d’en faire plus » mais de « tout faire » pour lutter contre le mal à sa racine.
La question n’est pas de choisir entre ce qui est permis ou défendu. La question est de s’interdire de laisser entrer en nous le mal qui , comme un vilain virus, pourrait venir tout contaminer.
- Interdite, la moindre colère contre ton frère ! Non par excès de zèle ou parce que ce serait interdit, mais parce que même la plus petite colère contre ton frère pourrait peu-à-peu te conduire à nourrir contre lui des envies de meurtre : c’est ce qui s’est passé chez ceux qui ont condamné Jésus !
- Interdites, tes plus petites jalousies, tes moindres convoitises ! Parce qu’elles caricaturent en toi le véritable amour qui se réjouit de ce qu’il voit chez l’autre sans chercher à se l’approprier.
- Interdits, les petits mensonges, les vagues promesses que tu ne tiendras pas ! Parce qu’ils détruisent en toi la force de la vérité et ouvrent la porte aux grands mensonges, lesquels, rappelons-nous, ont conduit Jésus à la croix !
L’Évangile est radical. Il ne s’accommode pas de « l’à peu près » ou du « j’ai pas tué, j’ai pas volé ». Il nous confronte à des exigences sans précédent. Pas par radicalisme, mais parce que notre bonheur en dépend :
- lutter patiemment contre nos tendances égoïstes,
- ne jamais renoncer à demander pardon à un frère ou à lui pardonner,
- tenir parole quand on s’est engagé vis-à-vis de quelqu’un.
Ces exigences sont en filigrane dans l’évangile d’aujourd’hui. S’agit-il de ne plus rien se permettre, alors ? Il y a un question, une seule question au fond à se poser en toute circonstance : comment le Christ s’y prendrait-il, s’il était à ma place ? Et Saint Paul, dans la seconde lecture vient compléter opportunément cette question quand il dit : C’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse, car l’Esprit voit le fond de toutes choses et même les profondeurs de Dieu » (1Co 15, 20). Seigneur, fais-nous chercher toujours ce qui est juste, ce qui te plait, ce qui est parfait et digne de toi. Amen.
Père Rémy CROCHU
HOMELIE-DU-12-02-2023Père Jean Michel POUPARD