De quelle origine es-tu ? C’est la question qu’il nous arrive de poser. On y répond généralement par des précisions géographiques plus ou moins précises et souvent avec une certaine fierté ou parfois avec appréhension. Les origines sociales sont en effet un sujet de discrimination qui nous fait regarder nos contemporains les uns comme des frères et d’autres comme des étrangers voire comme des ennemis. L’évangile de Noël vient de nous rappeler que Joseph était de Bethléem « son pays d’origine ». Quelques années plus tard, on dira de Jésus qu’il est originaire de Nazareth en Galilée, ce qui lui vaudra cette formule volontairement offensante : « de Nazareth ? Mais que peut-il donc en sortir de bon ? »
Voici que cette question de l’origine est au cœur du mystère que nous célébrons en cette fête de Noël. En effet, que célébrons-nous ? La naissance d’un enfant né dans une étable, dans un petit village de montagne perdu, lui aussi dans un pays perdu, pas plus grand que la Bretagne. Et — pire ! — un pays occupé par des armées étrangères depuis plusieurs siècles et semblant destiné à le rester. C’est bien ce que montrent 20 siècles d’histoire. Mais, cette naissance de Jésus à la crèche va pourtant bouleverser le cours de l’histoire au point de constituer le point historique de référence pour des millions d’hommes et de femmes sur la planète entière. Nous sommes en effet le 25 décembre 2020 « après la naissance de Jésus » !
Aucune fierté n’est à tirer de cela puisqu’il s’agit d’un moyen commode pour se mettre d’accord sur le calendrier. Pourtant, le mystère de la naissance de Jésus vient questionner le monde, l’univers entier, l’espace et le temps, sur son origine. D’où venons-nous ? Et où allons-nous ? C’était le titre de livres fameux d’un astronome réputé, au siècle dernier, l’abbé Moreux.
La naissance de Jésus à Bethléem apporte une réponse des plus inattendues à ces ceux questions : le point vers lequel tout converge et duquel tout prend sa source, c’est le Christ. Saint Jean, dans les premiers versets de son évangile, plonge dans ce mystère en disant de Jésus, verbe de Dieu « fait chair », « qu’il était à son origine auprès de Dieu et que tout ce qui est venu à l’existence a sa source en lui ».
Mais le même Jean prophétise un peu plus loin : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. »
C’est cette lumière divine apportée par Jésus à la crèche qui a illuminé les yeux des premiers témoins, les bergers, puis bientôt les mages venus d’orient, bref ! tous « les hommes de bonne volonté », annoncés par les anges de la nuit de Noël. Aussi, qui que vous soyez dans cette église aujourd’hui, c’est bien cette origine de Jésus en Dieu qui, secrètement vous a conduits ici ce soir pour que vous vous laissiez traverser vous aussi de cette lumière bienfaisante dont il est la source unique. Désormais, ce qui compte, c’est notre origine commune en Dieu, par Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, né d’une femme. Et s’il est bon pour chacun de se rappeler ses origines familiales, ethnique, c’est uniquement parce qu’en le disant, je réaffirme que moi aussi, « je suis né quelque part », tout comme le Christ, en qui je me reconnais « fils de Dieu », fils bien aimé en qui il trouve « toute sa joie ».
Dans sa lettre d’octobre dernier, intitulée « tous Frères », le pape François formule cette prière qui prend un sens particulier en cette fête de Noël. Je la reprends et je vous invite à la faire vôtre : « Notre Dieu, Trinité d’amour, par la force communautaire de ton intimité divine fais couler en nous le fleuve de l’amour fraternel. Donne-nous cet amour qui se reflétait dans les gestes de Jésus dans sa famille de Nazareth. » « Montre-nous ta beauté en tous les peuples de la terre pour découvrir que tous sont des visages différents de la même humanité que tu aimes. Amen. »
Oui, Seigneur, en ce soir de Noël, rends-nous toujours plus attentifs les uns aux autres, sans renier nos origines sociales ou religieuses, mais sans exclure ceux qui ne partagent pas la nôtre. Sans renoncer à notre humanité présente, mais en aspirant de toutes nos forces à devenir celui ou celles que nous sommes appelés à devenir, dans le Christ : le fils ou la fille bien-aimée de Dieu en qui il nous reconnait tous comme ses enfants. Amen.
Père Rémy Crochu, curé