La sève de l’Esprit
Au terme du temps pascal : la fête de la Pentecôte. Comme son nom l’indique, elle arrive 50 jours après la fête de Pâques et elle vient clore le temps liturgique qui porte le même nom. Pentecôte, c’est la Résurrection du Christ qui se répand sur le monde, c’est l’Esprit de Vie qui déborde sur lui, comme la sève qui monte et nourrit l’arbre jusqu’aux extrémités de ses branches.
On m’a récemment expliqué qu’un bourgeon qui s’est formé avant l’hiver contient déjà les feuilles qui apparaîtront au printemps sous la poussée de la sève. Nous sommes ces bourgeons : qu’en advient-il ?
Le monde qui nous entoure ne cesse de nous couper de la sève de Vie. Il est en léthargie, anesthésié par l’indifférence. Et quand il se réveille, c’est trop souvent pour faire la guerre et semer l’esprit de division. Nos médias se nourrissent, se repaissent de cela, jusqu’à la nausée. Sans l’Esprit — la sève de l’Esprit —, il n’y a qu’un arbre mort et qu’on destine au feu. Est-ce ainsi que nous voulons finir ?
Nous ne pouvons pas rester les spectateurs extérieurs et impuissants de ce monde à l’agonie. La Pentecôte est sa première urgence. Quand Jésus dit, dès le soir de Pâques : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 22), il précise le but de cette Pentecôte qui dure encore, 20 siècles plus tard : travailler à l’harmonie du monde au diapason de l’évangile. En d’autres termes : pardonner, délier, réconcilier, guérir, reconstruire.
Mais, attention : ce travail est avant tout celui de Dieu lui-même. Et c’est notre tentation de compter avant tout sur nos propres forces qui anéantit souvent les intentions les meilleures. Combien de fois suis-je confronté à des personnes qui se désolent d’elles-mêmes : « je retombe sans cesse dans les mêmes erreurs », « je n’ai pas su donner la foi à mes enfants »… Ces constats ne font que révéler quelqu’un pour qui l’Esprit-Saint n’est pas encore au centre : un bourgeon pas vraiment ouvert à la sève de l’Esprit. Le pire dans tout ça, c’est quand les Chrétiens, par leur refus de conversion à l’évangile — leur orgueil, leur mondanité, leur lâcheté, etc. —, font obstacle eux-mêmes à la diffusion de la sève divine dans le monde. Avec cette variante de ceux qui s’imaginent qu’il faut repartir en croisade pour « refaire chrétiens nos frères ». Notre évêque, dans le préambule de ses nouvelles orientations diocésaines cite deux métaphores éclairantes du cardinal Aveline : « Nous ne sommes pas les douaniers de l’Au-delà » et « nous ne sommes pas ceux qui mettons le visa sur le passeport du Salut ». Et il insiste pour que nous croyions que « l’Esprit Saint nous devance toujours », et souvent par des chemins qui nous étonnent.
Personnellement, je ne cesse d’être surpris par l’itinéraire spirituel de ceux qui frappent à la porte de l’Eglise, en quête d’une réponse à leur soif : des bourgeons en quête de sève ! Je me rends compte alors moi-même que ce qui touche le cœur des hommes n’est pas un catalogue de « bonnes manières », de « pieuses pensées ». Cela, Jésus ne l’a pas fait au matin de la Résurrection. Il attend de nous que nous nous rappelions que le premier destinataire de l’Evangélisation, c’est nous ! C’est l’expérience qu’on faite hier les apôtres au Cénacle ; c’est l’expérience que nous ne devons cesser de faire pour que l’arbre de l’humanité, s’arrachant aux rigueurs de l’hiver, connaisse dans le Christ un nouveau printemps.
Père Rémy CROCHU