Jésus Sauveur, sauve-nous !
L’un des paroissiens m’a évoqué dernièrement sa tendance à vouloir souvent, dans un insatiable élan de générosité, résoudre lui-même les problèmes qu’il rencontre dans les lieux d’engagement qu’il fréquente, en paroisse ou ailleurs. Il m’a confié avoir pris conscience que, derrière sa générosité, pouvait se cacher le désir de se prendre pour le « sauveur ».. Au risque peut-être de chercher à se rendre indispensable. On appelle parfois cela le « syndrome du sauveur ».
Mais, sans me situer dans le domaine de la psychologie — qui n’est pas de ma compétence —, il n’est pas inutile de relier cette question à la foi. Ne parle-t-on pas du Christ en l’appelant le « Sauveur du monde » ? Certes, Jésus — dont le nom signifie littéralement « Dieu sauve » — témoigne d’un don de soi sans limite : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu », dit Jésus à la conversion de Zachée (Luc 19, 10). Et ce sont les paraboles du salut (penser à celle des « deux fils »), et c’est encore et surtout sa mort sur la croix.
Pourtant, si j’interroge quelqu’un sur Jésus, les premiers qualificatifs qui lui viendront seront : « un ami », un « frère en humanité », « le Seigneur » ou encore « Dieu fait homme » ; rarement « le Sauveur ». Dans le monde où nous vivons, c’est plutôt l’homme qui se prend pour le sauveur. De lui-même ou des autres. Nous voulons « nous sauver », « nous tirer » des situations dans lesquelles nous vivons ou « sortir » notre entourage de celle dans laquelle ils pataugent. Dans les deux cas, nous nous substituons à celui qui est le Sauveur, n’acceptant pas de bonne grâce qu’il le soit.
Peut-être est-ce, finalement, une raison majeure de la désaffection du sacrement de la Réconciliation : nous ne cherchons pas à être sauvés, en particulier de notre péché. Nous ne crions plus comme les malheureux dont parlent les psaumes ou l’Évangile : « Seigneur, sauve-moi », « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ».
Peut-être est-ce aussi le signe d’une foi qui murit et qui ne veut pas, et à juste raison, se satisfaire d’un « Salut » de Dieu qui se ferait sans nous, sans notre participation. Saint Augustin explique : « Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi ». Nous avons en effet notre part à prendre dans le travail de sanctification de nous-mêmes et de ce monde.
Si Jésus est appelé « le Sauveur » (nous chantons à Noël : « Un Sauveur nous est né… »), il est comme le chef d’une armée qui se lance au combat : il a pris la tête, et c’est lui qu’on acclamera le jour de la victoire. Mais il ne combat pas seul ! Notre combat quotidien, aussi pauvre soit-il, apporte sa contribution mystérieuse au Salut final obtenu déjà par le Christ, à la victoire de la vie sur la mort, de Dieu sur le Mal.
Cependant, notre contribution essentielle au Salut de Dieu, c’est de croire. Jésus le dit très clairement dans l’évangile de Saint Jean : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ». Notez que ce « quiconque » ne peut se réduire à une petite catégorie de personnes mais vise l’humanité entière. Nous sommes « sauvés par le moyen de la foi », et « non pas par nos œuvres », confirme Saint Paul (Cf. Eph 2, 8 et 9). Et plaise à Dieu que notre nom s’ajoute à la longue liste des « sauvés » de l’histoire de l’humanité !
Bonne Semaine Sainte et joyeuses Pâques à tous !
Père Rémy CROCHU