PORTER DU FRUIT

Nous nous avançons vers la célébration de la Pâque du Christ. Et je voudrais évoquer ici la fécondité de cette pâque, de ce passage de la mort à la Vie. Une fécondité paradoxale puisqu’elle semble contredire les évidences : celui qui a sillonné de long en large les routes de Palestine en proclamant le Royaume de Dieu qui vient va être apparemment englouti dans la mort ! Il faut donc s’interroger sur le sens profond de tout cela. Jésus a-t-il « réussi » ou sa vie est-elle un « échec » ?

Si on regarde à la manière du monde, aucun doute : ça n’a pas marché ! Mais il faut aussitôt songer à ce que Jésus a enseigné par sa vie elle-même : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » Il parlait ainsi de lui. Sa mort même nous parle non pas d’une vie réussie à la manière des puissants de ce monde, mais d’une vie féconde, ce qui est tout à fait différent. Rappelez-vous la parabole du figuier stérile qui termine par ces mots pleins d’espérance : « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. » Et cette autre parabole — la parabole des vignerons — qui se concluait ainsi : « Le royaume de Dieu sera donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ». Ou d’autres passages de l’évangile : « Chaque arbre se reconnaît à ses fruits » ; « Un bon arbre donne de bons fruits » ; « Je vous ai choisis pour que vous portiez du fruit ».

Depuis le jour de Pentecôte et le don de l’Esprit, nous pouvons vivre nous-mêmes de cette vie féconde du Christ, mort et ressuscité pour nous.

Dans le langage courant, la fécondité est souvent comprise comme la capacité d’avoir des enfants, de transmettre biologiquement la vie. Il y a des couples stériles et on pense alors que c’est juste malheureux pour eux.

Cependant, nous savons tous qu‘il y a bien des façons d’être féconds. En en rendant belle la vie des autres, en prenant soin de la vie naissante ou de la vie finissante. En ayant le souci des « oubliés de la vie », des mal-aimés, des blessés de la vie. En nous penchant sur ceux qui pensent que leur vie est stérile, inutile, sans but. En puisant, dans la prière, à la Source de Vie : le Christ. « Je suis venu pour que vous ayez la vie en vous, et la vie en abondance », dit Jésus.

Notez que la nature est bien faite. Elle nous enseigne que pour être fécond, il faut être 2 ! Personne n’est fécond tout seul ! N’est véritablement fécond, porteur de vie, que celui qui s’appuie sur un frère, une sœur, une communauté, et — pour les chrétiens — sur la prière des frères, sur l’amitié des saints et sur la tendresse du Christ.

Le « fruit » que nous attendons de Dieu, c’est Dieu lui-même ! Or, on ne gagne ce fruit, nous enseigne le Christ, qu’en « donnant notre vie pour nos frères ». Et c’est ce qu’il a fait ! Car une vie qui n’est pas donnée est une vie stérile. Et vous, à qui avez-vous donné votre vie, à qui la donnez-vous ?

Père Rémy CROCHU

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