« Qui est le chef ? »

Cette question n’est pas anodine. Nous l’entendons souvent, avec une touche d’inquiétude sous-jacente : « pour qui se prend-il/elle ? » ; ou encore : « est-il/elle vraiment libre de ses décisions ? ». Quoi qu’il en soit, nous entendons cette question dans tous les espaces de vie sociale : au plus haut de l’État, dans l’entreprise, dans l’Église ou dans nos familles. « Qui est le chef ? » Réflexe contestataire très Français dont l’emblème est… le coq !

Si le mot “autorité” suscite chez nous une réaction négative, les hommes ont, depuis les origines, eu des problèmes avec l’autorité ! Nous aimons régner, mais nous n’aimons pas nous soumettre ! Pourtant, le principe d’autorité est biblique ! Dieu donne à l’homme une part de son pouvoir de domination. Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, saint Paul expliquera « qu’il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. » (Cf. Rm 13, 1). Saint Paul ne fait que prolonger ce que Jésus dit à de multiples reprises : il délègue aux apôtres son pouvoir sur les démons et les maladies ; il donne à Pierre « les clés du Royaume des cieux » et le pouvoir de « lier et de délier » (Cf. Mt 16, 19) ; et à tous disciples (nous y compris !), Jésus confie le pouvoir de prêcher en son Nom, de baptiser (Cf. Mc 16, 15-18).

Cependant, on voit bien que, si l’idée de se voir accorder un certain pouvoir nous séduit, la soumission à un pouvoir est une tout autre affaire ! Il suffit de rappeler les commentaires que suscite l’ordre de Saint Paul : « femmes, soyez soumises à votre mari » (Eph 5, 22). Ou encore, chez certains amis des bêtes, scandalisés par ce commandement de Dieu aux premiers hommes : « Emplissez la terre et soumettez-là » (Gn 1,28). Nous ne supportons ni ceux qui soumettent, ni d’être soumis. Si nous avions le choix, il n’y aurait que des chefs ! A moins qu’inversement nous choisissions de n’avoir « ni dieu, ni maître », comme le disent les anarchistes.

Le Christianisme ne remet pas en cause l’autorité, mais il lui donne un sens nouveau : « Quiconque veut être grand parmi vous, dit Jésus, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous » (Mc 10, 43-44). Les maîtres du monde imposent leur pouvoir ; Jésus, lui, s’expose et se livre. Hitler avait cette autorité qui s’impose par la voix et la violence ; Jésus, lui, a l’autorité de qui prend des risques et se soumet. Jusqu’à la Croix. On ne niera pas que Jésus avait de l’autorité, mais il ne s’imposait pas (sinon à Satan). Il en imposait, il impressionnait son auditoire. Et pourquoi ? Du fait qu’il s’appliquait à lui-même ce qu’il commandait aux autres. Il demandait qu’on lutte contre le péché ? On sait qu’il résistait lui-même à toute tentation. Il invitait à la conversion des cœurs, au jeûne et à la prière ? Il faisait de même. Il invitait au pardon, à l’amour des ennemis ? Il le ferait jusqu’à verser son sang.

Ceux qui commandent doivent être des exemples de soumission, à la manière du Christ. C’est à de tels maîtres et pas à d’autres qu’on a envie de se “sous-maître” ! Tu es père ou mère ? Tu es responsable d’une personne, d’une équipe, d’une communauté, d’un pays ? On attend de toi que tu donnes la preuve de ta capacité à te soumettre toi-même et non pas « faire sentir ton pouvoir », comme dit encore Jésus. Si tu fais ainsi, si tu commandes en étant toi-même celui qui se soumet (à ton conjoint, à ton supérieur, à ton évêque ou au Christ), alors c’est toi que l’on cherchera à suivre ! Ainsi en a-t-il toujours été des saints à qui tant de pouvoir a été accordé par Dieu. Ainsi peut-il en être de toi à qui il confie la charge d’être son témoin.

                                                                                                                                                Père Rémy Crochu

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