Entre colère et espérance…
Revenons sur l’événement que constitue la restitution du rapport « Sauvé », mardi dernier 5 octobre, dans le cadre d’un audit commandé, comme on le sait, par l’Église de France autour des abus sexuels perpétrés dans les 70 dernières années. Dans un courrier du Service National de la Pastorale des Jeunes de la CEF (Conférence des Évêques de France) adressé spécialement aux mouvements et autres lieux au service des jeunes, je vous partage quelques lignes de ce qu’y écrivent ses responsables.
On y parle tout d’abord d’épreuve douloureuse. Pour les enfants, premières victimes. Pour leurs familles, pour l’Église entière. « C’est avec le Christ, vainqueur du mal et du péché et source de notre espérance que nous traversons cette épreuve. C’est aussi ensemble, en portant les fardeaux des uns et des autres, et en nous mobilisant sans traîner, que nous souhaitons regarder ce drame. »
On y invite ensuite à rester humbles et à l’écoute, devant la révélation de l’ampleur de ces drames et du silence complice des Institutions diocésaines ou religieuses. « Laissez jaillir les sentiments divers, de la colère au mutisme, de la honte aux paroles dures contre l’Institution. Certains parents vous diront qu’ils ne veulent plus confier leur enfant à l’aumônerie, certains étudiants ne reviendront pas à la soirée étudiante. Pour beaucoup, la confiance qu’ils ont en l’Église sera abimée ou brisée. Avec l’aide de la grâce, en son temps, nous essaierons patiemment de la retisser. »
Et le texte ajoute cette interprétation des causes profondes : « On est devant le mystère du mal. »
Cependant, les auteurs de ce courrier mettent pertinemment en garde leurs destinataires : il y a des tentations auxquelles nous ne devons pas céder :
. croire que ces scandales sont derrière nous, même si beaucoup appartiennent à un passé de plusieurs décennies.
. Laisser penser que le problème ne toucherait que les institutions ecclésiales sans voir qu’il s’agit d’un problème de société beaucoup plus large.
. S’imaginer que le rapport, qui fait suite à une démarche courageuse des évêques, mettrait l’Église en position de force pour faire la leçon aux autres.
. S’imaginer qu’en portant le projecteur sur des individus pervers et criminel, la responsabilité de leur entourage institutionnel, souvent silencieux, serait écartée.
Nous sommes renvoyés à la prière et aux actes.
La prière. « Invoquer la miséricorde de Dieu. Le Christ est la tête de l’Église. Nous sommes son corps. »
Les actes. Par exemple par l’écoute et le soutien des familles, directement ou par le courrier. Par l’organisation de lieux d’écoute (ce que proposent tous les diocèses). Parfois même, le recours à des professionnels. Par la diffusion d’outils ajustés aux jeunes, aux familles, pour que l’Église devienne « une maison sûre » (Cf. document du pape François).
Le document conclut en citant le Concile Vatican II : « l’Église enferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (Lumen Gentium n°8)
Monsieur Jean-Marc Sauvé, rapporteur de la commission qui porte son nom et chrétien lui-même, après s’être personnellement interrogé sur le « naufrage » dans lequel s’était laissé entrainer l’Église de France, concluait : « il nous reste encore une chose : l’espoir d’en sortir et l’espérance. » Plaise à Dieu qu’il en soit ainsi.
Père Rémy CROCHU